L’agilité, un accélérateur de la transformation digitale des banques
30% des agences bancaires menacées de fermeture d’ici 2020, 25% des interactions banques / clients via mobile. Le changement d’habitudes des clients qui prônent de plus en plus le digital comme premier moyen d’interactions avec leurs banques modifie profondément les enjeux du secteur. Face à ces mutations, les banques se doivent d’opérer leur transformation digitale afin de maintenir, voire de développer leur business. Et elles doivent le faire vite ! On pourrait alors penser que pour accompagner cette transformation, les méthodologies agiles, largement utilisées dans l’univers des startups, sont la solution. Néanmoins pour être efficaces, ces méthodes agiles nécessitent un environnement adapté.
L’environnement bancaire est-il propice aux méthodes agiles ? Peuvent-elles y être efficaces ?
La banque, un secteur traditionnellement peu enclin à l’agilité
Depuis plusieurs années, les méthodologies agiles accompagnent les plus grands programmes de transformation digitale des grands comptes.
Basées sur des cycles courts, ces méthodologies permettent de construire de façon itérative une offre ou un produit, tout en tenant compte des exigences de satisfaction client. Elles sont donc un véritable levier pour les projets ayant un besoin métier en évolution permanente et ayant peu de dépendances avec d’autres projets ou Systèmes d’Information.
À première vue, le secteur bancaire peut donc sembler peu adapté pour ces méthodologies. En effet, on ne peut parler de projet de transformation dans ce secteur sans évoquer :
- Les contraintes réglementaires et sécuritaires. Déjà fortement présentes ces contraintes ne cessent de s’accentuer. Cela est dû à deux facteurs. Le digital tout d’abord. Avec la digitalisation de ses activités, la sécurité, et notamment celle de l’information, est devenue primordiale et hautement stratégique dans les banques. Face aux préjudices causés par la fuite d’informations, les exigences sécuritaires sont plus fortes. Elles demandent donc un temps de mise en œuvre plus important et sont difficilement réalisables de façon itérative. La démarche agile en est alors perturbée. Les évolutions réglementaires ensuite. Poussés par les récents scandales financiers mondiaux (Panama Papers, Lux Leaks…), les gouvernements, mais aussi les institutions européennes et mondiales réglementent de plus en plus le secteur. Les banques doivent donc se soumettre à ces nouvelles règles, sous peine de sanctions. Cela perturbe là-aussi la mise en place l’agilité : plusieurs instances devant vérifier le bon respect des règles avant la mise sur le marché des nouveaux produits / services.
- L’organisation hiérarchisée. Les banques sont de grosses structures découpées traditionnellement en métiers, puis produits, puis services… Cette organisation très hiérarchique entraîne des cycles de décisions longs, notamment sur des projets aussi stratégiques que la transformation digitale. Dans ce contexte, mettre en place de l’agile est difficile. Cette organisation très divisée rend aussi difficile la création d’équipes projets multidisciplinaires, prérequis là aussi important pour mettre en place une démarche agile sur un projet.
Les institutions bancaires ne sont donc pas particulièrement adaptées à la mise en place de démarche agile.
Néanmoins, face à la nécessaire transformation digitale, l’agilité devient incontournable
La stratégie de transformation digitale des banques repose sur trois axes : l’expérimentation de nouveaux services innovants, la réduction du time-to-market de ces produits et / ou services innovants et la transformation de la relation client, qui se veut plus transparente et plus personnalisable.
Dans cet environnement fortement concurrentiel, un accélérateur essentiel : les méthodologies agiles, permettent :
- D’expérimenter de nouveaux services innovants. Cela passe par la mise en place de Lab innovation comme celui de La Banque Postale qui permet d’expérimenter rapidement de nouvelles idées, comme par exemple l’authentification biométrique par la voix. Sont également mises en place des démarches de co-création et de Test&Learn, comme le réalise actuellement la Société Générale avec son appli Lab, qui permet de faire tester aux clients des fonctionnalités en avant-première et de prendre en compte leurs retours, en vue d’un possible déploiement national. Les banques organisent également des Hackathons comme l’a récemment effectué BPCE, pour accéder très rapidement à un grand nombre d’idées de nouveaux services et d’amélioration de services existants. Elles n’ont plus qu’à choisir le projet qu’elles testeront.
- De réduire le time-to-market des produits et / ou services. Cela passe par la mise en place de cycles courts pour le développement de ces nouvelles offres. Ces cycles qui dans le cas de la méthodologie agile scrum (la plus utilisée) se nomme sprint, prennent la forme de périodes de développement du projet à la fin desquelles, une nouvelle version du produit / service est utilisable. Cela permet d’amener rapidement sur le marché un nouveau produit / service et de l’améliorer de façon continue, en fonction des retours clients.
- De transformer la relation client. Cette transformation a trois objectifs : personnaliser la relation client (en proposant toujours plus de services en solution de mobilité), regagner la confiance et l’adhésion des clients et proposer le maximum de transparence dans la relation (cela passe par exemple, par le déploiement de tablettes pour les conseillers afin de prendre une position « côte à côte » et ne rien cacher à son client).
Les méthodes agiles sont au cœur des projets de transformation digitale des banques. Il devient donc crucial pour ces dernières d’en maîtriser les différents aspects et particularités.
Challenger la démarche agile instaurée, la clé pour rester efficient
Une fois l’agile implémenté sur un projet, tout n’est pas pour autant terminé. L’agile ne doit pas être vu comme un acquis. Afin de rester le plus efficient possible, il est nécessaire d’adopter une démarche d’amélioration continue et de remise en cause. Pour cela, il faut se poser la question suivante : comment tirer au mieux parti de l’agile sur le projet ? Mais aussi comment adapter l’agile aux changements intervenants sur le projet ?
La solution peut consister à utiliser des leviers afin de rendre le projet plus agile : le métier manque de connaissance agile, mettons en place un accompagnement agile pour le métier afin de sécuriser ce potentiel frein. L’équipe projet s’agrandie de manière importante au fil du temps, proposons la mise en place de sous équipes, avec une synchronisation régulière entre-elles. Le projet se complexifie, proposons une augmentation de la durée des itérations et une réduction du nombre de release, afin de maintenir la qualité du delivery.
De même, il n’est pas toujours pertinent de rester en agile. En effet, l’utilisation de méthodes agiles au démarrage d’un projet, quand le besoin n’est pas encore complètement mature et qu’il faut pouvoir obtenir rapidement un produit testable, est certainement la bonne solution. Cependant, dès lors que le projet passe en phase d’industrialisation, l’implémentation de l’agile sur le projet doit être revue, voire même dans certains cas, il devient plus pertinent de stopper l’agile et de passer sur une méthode classique. Dans les cas de développement à grande échelle, les contraintes à l’agilité deviennent souvent trop fortes par rapport aux avantages que produisent les méthodes agiles. C’est le cas pour la sécurisation du produit / service, qui ne doit plus être vue à l’échelle de ce produit / service, mais à l’échelle de l’écosystème (autres produits / services interdépendants). Cela va alourdir les procédures et faire perdre à l’agile une importante partie de son efficience. Dans ce cas, une évolution de l’agilité sur le projet doit être mise en place. Cela peut passer par le changement de méthode par exemple, et ainsi passer d’une méthode faite pour l’expérimentation comme le Test&Learn vers une méthode plus adéquate pour l’industrialisation des projets comme le lean.
Les projets de transformation digitale au sein du secteur bancaire ne sont donc pas, de prime abord, particulièrement propices aux méthodes agiles. Néanmoins, l’agile de par ses caractéristiques d’adaptabilité et de facilité d’évolution dans des environnements changeants peut apporter une réponse adaptée à ces projets où il faut aller vite, avec un besoin peu mature. Il peut donc être un formidable accélérateur de la transformation digitale des banques. Mais il ne représente pas une fin en soi, l’implémentation agile doit régulièrement être challengée afin d’être adaptée aux changements du projet. L’agile se doit d’être dans une démarche d’amélioration continue et de remise en cause, pour rester efficient et maintenir son statut d’accélérateur de ces projets.