Notre second et dernier volet sur les monnaies alternatives aborde le thème des monnaies autonomes, que l’on pourrait appeler monnaies de substitution, en s’appuyant plus particulièrement sur l’exemple du « bitcoin ». Autrement plus développées et porteuses de risques que les monnaies locales complémentaires mais néanmoins susceptibles de déclencher une véritable rupture technologique dans le monde bancaire, nous allons tenter d’en comprendre le fonctionnement et les enjeux qu’elles sous-tendent.

Une monnaie de substitution, qu’est-ce que c’est ?

On peut définir une monnaie de substitution comme une devise non officielle capable de venir se substituer à une devise officielle c’est-à-dire cotée sur un marché de gré à gré (essentiellement puisqu’il existe également des marchés organisés des devises tels le CLS pour les banques). Néanmoins, tous les pays et régulateurs n’ont pas la même conception d’une monnaie de substitution. Certains considèrent qu’il s’agit d’un instrument de paiement, d’autres d’une représentation virtuelle d’une monnaie légale qui ne peut donc pas être considérée comme une monnaie mais comme un bien ou un produit financier.

Les monnaies de substitutions sont des monnaies principalement virtuelles avec une prépondérance dans l’utilisation du bitcoin. Il existe aujourd’hui des dizaines de monnaies virtuelles (Bitcoin, Zerocoin, Darkcoin…), les 10 plus importantes représentaient  fin 2014 une valeur d’environ 10 milliards d’euros pour 900 milliards en circulation pour l’euro.

Qu’est-ce que le bitcoin ?

Le bitcoin est la monnaie virtuelle la plus connue et la plus utilisée dans le monde, elle dispose de son propre cours et son créateur est à ce jour toujours inconnu sous le pseudonyme « Satoshi Nakamoto ». Le système Bitcoin répond aux principales fonctions traditionnelles d’une monnaie officielle et dispose de caractéristiques qui lui sont propres :

  • le rythme de création des bitcoins est régulé informatiquement et fluctue. Il était ainsi de 50 bitcoins toutes les dix minutes en 2009 et est passé à 25 bitcoins toutes les dix minutes depuis janvier 2013.
  • la quantité de monnaie créée par le système est limitée par le programme à 21 millions de bitcoins, limite qui pourrait être atteinte aux alentours des années 2140
  • les échanges sont anonymes et non contrôlés et certaines plateformes ont pris en charge l’échange de bitcoins à l’image d’un marché

Quels risques face à de telles monnaies ?

Un caractère hautement spéculatif : En limitant le volume d’unités émises et en faisant fluctuer le rythme de création, le bitcoin fait l’objet d’une pénurie organisée lui conférant quasiment le statut de produit d’investissement. Ce caractère hautement spéculatif s’observe par la simple volatilité son cours (un cours multiplié par 2 sur les 3 derniers mois de l’année 2015). Certaines plateformes de trading ont développé des produits dérivés des bitcoins tels que les CFD. C’est un produit néanmoins à la portée de tous qui peut avoir de grave conséquences financières pour ses détenteurs.

Une valeur non garantie : la valeur des bitcoins sur les plates‑formes d’échange n’est pas garantie et résulte exclusivement de la confrontation de l’offre et la demande. Par conséquent, sa volatilité peut être extrême autant à la hausse qu’à la baisse, ce qui n’est pas sans risques pour ses détenteurs.

Des financements criminels : l’anonymat des transactions est un facteur d’utilisation à des fins criminelles (ventes de biens ou services illicites) de blanchiment d’argent ou encore de financement d’activités terroristes.

Une absence de protection : aucune autorité ni aucun dispositif n’existent permettant de sécuriser les valeurs stockées. Ainsi, un détenteur de bitcoins victime d’un piratage informatique n’aurait aucun recours légal pour être indemnisé.

Une liquidité limitée : aucune règle ne permet d’assurer la convertibilité du bitcoin dans un cours de devise légale. Les gouvernements sont libres de déclarer le bitcoin illégal et donc d’interdire toute conversion dans sa monnaie. Par ailleurs, les fonds en devises ne sont récupérables que si d’autres utilisateurs souhaitent acquérir des bitcoins, ainsi, tout portefeuille de bitcoin peut devenir non liquide dans un système qui pourrait s’effondrer du jour au lendemain.

Une technologie qui intéresse les banques dans un contexte réglementaire de plus en plus contraignant

Plutôt que de subir l’évolution du bitcoin, certains acteurs et notamment du monde bancaire comme Barclays, ont décidé de mettre en avant l’opportunité que représentent les crypto-monnaies. La technologie qui sous-tend le bitcoin, le blockchain, permettrait de réduire le coût des infrastructures de près de 20 milliards de dollars par an au total si le secteur accepte de remettre à plat ses technologies (à noter que les banques françaises justifient la récente généralisation des frais de tenue de compte pour les clients par un coût des contrôles croissant). La caisse des dépôts s’intéresse de près à cette technologie pour en explorer les opportunités. Ce procédé permettrait de réduire notamment les coûts liés au contrôle et à la traçabilité des transactions (un bitcoin est par exemple indissociable de son propre historique rendant sa provenance infalsifiable)

Après une période d’accalmie, une valeur prévisionnelle du bitcoin encore jamais atteinte

Le bitcoin est accepté comme moyen de paiement par un nombre croissant d’entreprises sur internet mais aussi dans des réseaux physiques (exemple de l’annonce de monoprix). Ces évolutions vont permettre d’en augmenter son utilisation et donc de lui faire prendre de la valeur. A noter que cette monnaie est plus perçue comme un produit d’investissement que comme un moyen de paiement ce qui peut expliquer que certaines entreprises souhaitent en faire l’acquisition en vue d’une plus-value future importante. Sur les trois derniers mois de l’année 2015, son cours a doublé pour atteindre les 500 dollars avec certains fonds d’investissements qui annoncent même son envolée au-dessus des 1000 dollars en 2016 .

Vers une révolution du système monétaire ?

Les risques et opportunités présentés nous laissent penser que le bitcoin ne révolutionnera pas à lui seul tout un système. Pour autant, la technologie qui porte les crypto-monnaies en général et notamment le bitcoin, pourrait bien être à l’origine d’une rupture sans précédent dans le monde de la finance et en particulier sur la régulation et le contrôle des transactions. Après tout, dans un monde de plus en plus digitalisé, il apparaît logique de se doter de nouveaux moyens technologiques adaptés et répondant à un contexte réglementaire exigeant. C’est peut être aussi en ce sens qu’une des premières Fintech aura été à l’origine d’une transformation majeure du monde bancaire.

EP1  Monnaies alternatives , panorama et enjeux : les monnaies locales