Depuis quelques années, les banques délaissent le centre parisien pour sa périphérie : habiter le cœur de la capitale représente un coût que certaines banques ne peuvent plus supporter. Mais, est-ce l’unique raison du déménagement des banques ? Ces relocalisations concernent-elles l’ensemble des fonctions des banques ?
Relocaliser pour optimiser les coûts
Au lendemain des crises et des scandales financiers, les groupes bancaires ont été fragilisés par une méfiance du grand public, une concurrence accrue liée à l’arrivée des pure players et des revenus en baisse jusque 2014. Même si les résultats des banques en 2015 ont été satisfaisants, il est devenu primordial pour les banques de mieux maitriser leurs coûts et d’adopter un développement durable et stable afin redonner confiance aux parties prenantes. Dans cette optique, la relocalisation de certains sites en périphérie s’avère être un réel levier d’économie sur le long terme. En effet, en moyenne celle-ci représente une économie de 20% sur le loyer en moyenne. Depuis plusieurs années, ce mouvement s’est généralisé : le Crédit Lyonnais, qui était historiquement implanté sur 12 sites différents, a regroupé ses activités à Villejuif (3 000 salariés), permettant une économie d’environ 35 millions d’euros par an.
De son côté, la Société Générale a opté pour un transfert de son technopole informatique à Val de Fontenay. Un pari judicieux et non sans risque, puisque ce déménagement représente une économie de 4 400 euros par an et par poste de travail. Il concerne 5 000 collaborateurs sur les 20 000 actuellement localisés sur son site de la Défense. En pratique, les back office tels que les Recovery Centers (centres de sauvegarde), dont la fonction principale est de conserver les données et de servir de repli en cas de sinistre majeur, sont implantés en région parisienne. Un nouveau campus Société Générale doit d’ailleurs prochainement voir le jour : il permettra d’accueillir 5 500 collaborateurs supplémentaires (professionnels de l’innovation financière et filiales). Même s’il y a eu un Haussmann de la finance un siècle en arrière, le dynamisme actuel est plus à la relocalisation en périphérie.
Maintenir une visibilité de prestige au cœur de la capitale
Toutefois cette tendance ne concerne pas toutes les activités des banques. Les banques telles que Société Générale, BNP Paris, HSBC ferment les yeux sur les coûts liés à la localisation géographique des fonctions de prestiges tels que le siège social, certaines agences ou encore les salles des marchés. En effet, dans ce contexte de concurrence, il est fondamental de garder quelques activités, comme les structures ayant vocation à accueillir la clientèle, dans les centres d’affaires pour des raisons de visibilité et de proximité. Les banques situées dans les beaux quartiers parisiens (Champs Elysées, Opéra) bénéficient d’une image de prestige aux yeux de leurs clients. Mais, conserver des locaux parisiens permet aussi aux banques de faciliter la vie de ses salariés, d’attirer les meilleurs talents et de les conserver. Cette stratégie est également adoptée par les filiales des banques internationales qui favorisent une implantation unique dans Paris même si elles doivent parfois faire quelques concessions sur la surface qui est généralement inférieure à 5 000 m2. Le centre de Paris reste hautement stratégique.
Développer les campus des Banques
L’ère du numérique oblige ce secteur historiquement pétri dans la tradition à évoluer. De ce fait, le paysage financier voit émerger des campus bancaires qui se caractérisent par une concentration d’une (ou plusieurs) activités sur une vaste surface. C’est le cas du Crédit Agricole qui a implanté son campus Evergreen à Montrouge : ce campus s’étend sur 170 000 m² et a accueilli le siège du Crédit Agricole SA et Crédit Agricole Leasing & Factoring. Ce rassemblement permet d’améliorer la collaboration des salariés. Ainsi, 3 300 personnes peuvent œuvrer dans un environnement de travail repensé et qui se veut « en rupture avec la banque traditionnelle », considéré comme formel et rigide. Crédit Agricole CIB et la BFI devraient cette année suivre le même chemin vers Montrouge, sous réserve de la construction de la Tour Eole et de la confirmation de cette stratégie. Ces nouveaux sites, qui se veulent écologiques et à la pointe de la technologie, n’ont rien à envier aux startups californiennes.
Pour l’agencement de leurs futurs locaux de la Société Générale à Val de Fontenay, les collaborateurs ont eux-mêmes participé à la refonte de l’agencement des espaces. Désormais il n’y aura plus de bureaux attitrés (on parlera de Flex Office ou bureau partagé) : les salariés seront garantis d’avoir une place assise et auront le choix entre plusieurs types de support : bureau classique, canapé, table haute…De plus, il y aura également, un espace dédié aux collaborations avec des startups externes, qui pourront participer aux projets internes : l’objectif est de rester à la pointe de technologie en connectant les synergies à la fois internes et externes.
Autre option nouvelle pour les collaborateurs des banques, le télétravail. Il se développe de plus en plus dans le milieu bancaire, il permet au salarié de travailler depuis son domicile, et à l’employeur de réduire ses coûts. Actuellement en phase de test à la BNP, le télétravail sera favorisé puisque BNP projette d’accorder un maximum de deux jours par semaine à chacun de ses collaborateurs. Si le test s’avère concluant, ce dispositif pourrait concerner plus de 10 000 salariés.
À la fois couteuse et difficilement modulable, l’architecture Haussmannienne ne permet plus de répondre aux nouvelles organisations de travail des banques. L’optimisation des coûts a favorisé la relocalisation extra-muros de différentes activités bancaires. La création de campus bancaires, tel « Evergreen » pour la Banque verte ou « Mac 19 » pour la BNP Paribas, s’avère être l’évolution logique d’un secteur qui prend conscience de la place de l’innovation et de la digitalisation dans l’entreprise de demain.