Au sein de l’environnement concurrentiel déjà agité des banques, un nouvel entrant a fait son apparition : la réglementation DSP2. Au travers des cas d’usages imposés par cette réglementation – accès aux informations de comptes et initiation de paiements – les banques sont sommées d’ouvrir une partie de leur SI vers l’extérieur. L’application de la DSP2 repose sur l’exposition à des tiers d’API. Il s’agit d’interfaces de programmation qui permettent à des applications de communiquer entre elles. Depuis quelques années, les banques ont mis en place des plans d’ « APIsation » pour moderniser l’architecture de leur système d’information. L’application de la DSP2 leur donne aujourd’hui l’opportunité de tirer pleinement partie de la valeur des API : de puissants leviers d’innovation qui ont vocation à ouvrir les banques sur leur écosystème.

Les API : une implémentation d’abord pensée par les DSI

Définitions et exemple

Une API est une prise technique sur laquelle se branchent des applications pour consommer les ressources d’un système d’information. Le rôle d’une API est de créer des passerelles entre différentes applications pour faciliter leurs échanges. L’API Google « Maps » est un exemple bien connu d’API. Elle donne accès aux données et aux fonctionnalités de géolocalisation de Google. De la petite société artisanale aux géants du numérique comme Uber, n’importe quelle entreprise est capable d’intégrer les fonctionnalités d’une entreprise comme Google dans ses applications.

Les bénéfices SI d’une mise en place des API

Les API sont de puissants leviers pour refondre l’architecture vieillissante du SI bancaire et adapter son mode de fonctionnement aux enjeux actuels. Elles répondent dans un premier temps aux exigences de la mobilité. L’essor des canaux mobiles a, en effet, rendu indispensable la mise en place d’architectures souples qui permettent des échanges plus légers et moins verbeux, adaptés aux échanges mobiles.

De manière plus transverse, la mise en place des API permet d’accroître l’agilité des SI bancaires. En effet, cela permet d’installer une nouvelle couche dans le SI permettant un découplage fort entre la couche de présentation (IHM) et le back-end bancaire (services et données). Cette architecture permet d’accroître sensiblement le time-to-market en favorisant la réutilisation de « briques API » déjà développées par d’autres applications.

Les API sont aussi des vecteurs de simplification des architectures. En effet, elles exposent des objets à valeur métier (ex : comptes clients, virements, transactions) qui sont accessibles via des protocoles et des formats d’échanges standardisés. La standardisation permet d’implémenter un cadre d’échange qui ne préjuge pas des technologies et processus utilisés et facilite les échanges inter-applicatifs à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise.

L’ouverture progressive des API sur l’écosystème bancaire

Dans un premier temps, les API s’exécutaient uniquement à l’intérieur des frontières du SI bancaire. Ces API, communément qualifiées de « privées », étaient développées et consommées par des applications internes. Sous le double effet de la réglementation et de la concurrence, les banques doivent désormais envisager une ouverture de ces API vers l’extérieur.

Cette ouverture est un changement de paradigme pour les banques où l’innovation a été pensée en vase clos. Le paradigme du « Not Invented Here » a souvent régné en maître, conduisant les équipes de R&D à s’appuyer uniquement sur des ressources internes pour innover. Certes les banques n’ont jamais fait l’économie de partenariats avec des acteurs spécialisés ou des entités de leur Groupe, mais ces échanges s’opéraient au cas par cas selon un usage prédéfini qui laissait peu de marge à l’innovation.

Aujourd’hui, les mentalités évoluent avec l’essor de processus d’innovation ouverts. Le cadre de l’innovation se déplace au-delà des frontières de l’entreprise vers un écosystème élargi constitué de start-ups et d’entreprises partenaires. Dans ce contexte, les Open API – qu’on définira ici comme des API exposées à des acteurs externes à l’entreprise – constituent un outil facilitateur.

L’appétence des FinTech pour les Open API

Plusieurs FinTech ont construit leur offre sur la consommation et la production d’API. En voici quelques exemples.

  • Transfert d’argent. La néo-banque allemande N26 propose un service spécifique de transfert d’argent à l’étranger à moindre coût. Pour cela, N26 consomme les API proposées par une autre start-up – Transferwise – spécialisée sur ce marché de niche. La consommation d’API tierces permet à N26 de se consacrer uniquement sur son cœur de métier qui est l’expérience utilisateur, tout en s’appuyant sur des fonctions déjà développées par Transferwise.
  • Gestion des comptes. L’agrégateur français Linxo propose des API qui lui permettent de diffuser très largement sa technologie d’agrégation de comptes bancaire. Les API de Linxo sont notamment utilisées par la FinTech Grisbee qui a développé un robot-advisor qui fournit des diagnostics patrimoniaux personnalisés. Pour cela, Grisbee utilise l’API Linxo qui lui permet d’analyser les données bancaires de ses clients.
  • Solution de paiement. Souvent comparé à son aîné PayPal, Stripe est une startup proposant des solutions de paiement web et mobile. Stripe s’est popularisé grâce à la simplicité d’usage de ses API qui permettent à ses clients de s’affranchir de la complexité technique et processuelle inhérente au marché des paiements.

Les multiples intérêts des Open API pour les banques

Les banques peuvent également tirer parti de la production et de la consommation d’Open API. Les initiatives – bien que sporadiques – se multiplient et visent à faire des Open API de puissants leviers d’innovation et des vecteurs de nouveaux business.

Enrichir l’offre de services bancaires en collaborant avec les FinTechs

Souvent soumis à l’inertie de leur legacy, les banques peinent à innover rapidement. Elles doivent composer avec un capital SI souvent vieillissant et difficilement évoluable. Dans ce cadre, capitaliser sur les compétences et l’agilité de start-ups représente une opportunité pour déployer rapidement des services à valeur ajoutée. BBVA utilise par exemple les API de Dwolla, FinTech spécialisée sur le marché des paiements, pour proposer un service de virements en temps réel sur son espace client bancaire.

Stimuler l’innovation en faisant appel à des développeurs tiers

En exposant leurs API sur des portails publics, appelés API Stores, les banques misent sur la créativité des développeurs externes pour enrichir leurs services. Certaines banques proposent déjà leur propre « API Store » : Capital OneCrédit Agricole ou BBVA. Les banques mettent à disposition sur ces portails des API qui permettent à des acteurs tiers de développer leurs propres applications à partir des données et des services de la banque.

Elargir le réseau de distribution des produits bancaires

Les API peuvent permettre d’étendre le réseau de distribution des banques pour dénicher de nouveaux points de contact avec les clients. Avec l’API « Loans », BBVA donne la possibilité à des sites tiers d’informer leur client lors du processus d’achat sur leur capacité à contracter un crédit à la consommation. Ce type d’API présente un double intérêt. D’un côté, la banque trouve un nouveau débouché pour un de ses produits phares : le crédit à la consommation. De l’autre, le distributeur optimise son processus d’achat en aidant son client lors de l’étape critique du paiement.

Développer de nouvelles sources de revenus     

L’ouverture des données du SI bancaire permet à des développeurs d’enrichir leurs services avec de la valeur ajoutée. Dans ce cadre, la banque peut envisager la monétisation de ses API qui sont ici considérées comme des produits marketing à part entière.

Il incombe désormais aux banques d’imaginer les API et les modèles de monétisation de demain. Tout l’enjeu repose dans le choix des données et des services à exposer, pour profiter pleinement des possibilités offertes par l’Open Banking. Tout en étant une formidable opportunité pour améliorer l’expérience client, l’Open Banking redistribue aussi les rôles dans l’écosystème bancaire, en renforçant le poids d’acteurs tiers comme les FinTechs. Charge désormais aux banques de trouver leur place dans ce nouvel écosystème pour garder la main sur la relation client et la création de valeur.