1 milliard d’utilisateurs sur WhatsApp et Messenger, 750 millions sur WeChat : les applications de messagerie n’ont jamais été aussi populaires. La stratégie de croissance de ces applications était focalisée jusqu’alors sur le recrutement de nouveaux utilisateurs. Aujourd’hui, elles se consacrent au développement de nouveaux services et à la monétisation de leurs bases clients.

À cet égard, ces applications se diversifient et développent une offre de services éloignés de leur cœur de métier. Transfert d’argent, paiement en ligne, paiement mobile : ces applications se positionnent sur les services financiers et viennent empiéter sur le pré-carré des banques.

En parallèle, les applications de messagerie s’ouvrent aux apports extérieurs dans une logique de « plateformisation ». Par exemple, l’application Messenger de Facebook intègre désormais des services et des bots créés par des acteurs tiers. À ce titre, les banques peuvent profiter de ce nouveau canal de communication pour toucher un nouveau public et déployer leurs propres services : service client, relevé de comptes, alertes…

Déjà remis en cause par les FinTech, le monopole de l’espace client bancaire sur la distribution de services financiers est-il à nouveau menacé ?

La diversification des applications de messagerie instantanée dans les services financiers

L’époque où l’unique fonction d’une application de messagerie était de communiquer est révolue. Ces applications se sont lancées il y a peu de temps sur la voie de la diversification de leur activité afin de monétiser leur base de clients.

L’application WeChat, développé par l’entreprise chinoise Tencent, est l’exemple le plus abouti en la matière. Au sein d’une seule et unique application, WeChat propose une impressionnante palette de services financiers grâce au « WeChat Wallet » :

  • Transférer de l’argent à ses contacts via « Transfer»
  • Payer en magasin avec son smartphone via « Quick Pay»
  • Payer ses factures d’eau, de gaz et d’électricité en scannant un QRCode via « Utilities »
  • Bénéficier de bons plans et d’offres promotionnelles via « Specials »

Chez son rival américain Facebook, les avancées sont plus timides. Certes, le réseau social américain intègre depuis mars dernier le transfert d’argent de pair à pair (aux États-Unis seulement), mais il est encore loin de proposer la richesse fonctionnelle de son homologue chinois. Ceci étant dit, le mouvement semble enclenché et les perspectives sont prometteuses. La presse américaine spécialisée (Engadget) annonce l’intégration prochaine d’une fonction de paiement mobile sans contact au sein de l’application Messenger. En intégrant cette fonctionnalité, la firme californienne se positionnerait en compétition frontale avec les banques et les GAFA qui ont déjà attaqué le marché des moyens de paiement.

Un nouveau canal de la relation client bancaire grâce aux bots

L’incursion des applications de messagerie dans les services financiers ne se limite pas au développement de services financiers en propre. Elle repose aussi sur l’intégration des services d’acteurs tiers.

Ainsi, Facebook propose aux entreprises depuis mi-avril de déployer des bots sur son application de messagerie. Les bots sont des petits programmes informatiques capables de discuter avec un utilisateur, d’écouter sa demande, de chercher l’information adéquate puis de lui répondre. Le transporteur aérien KLM a fait partie des premières entreprises à utiliser cette technologie. Chaque client peut désormais recevoir sur Messenger son suivi de commande et recevoir des alertes en cas de retard. Depuis début septembre, Facebook permet aux clients de régler leur commande directement dans le bot de leur choix, sans sortir de l’interface de conversation. Le paiement transite soit par une carte bleue préalablement enregistrée par l’utilisateur, soit par Paypal qui est désormais intégré à l’application.

Dans le secteur bancaire, de nombreux projets se lancent. Aux États-Unis, le bot de Bank of America devrait prochainement assister les clients dans leur gestion financière en les alertant en temps réel sur la situation de leur compte. Mais le premier bot bancaire est celui de la banque russe Tochka. Ce bot permet de consulter son solde, de faire des paiements entre particuliers et de détecter la présence de distributeurs autour de soi grâce à la géolocalisation.

En Chine, WeChat a une nouvelle fois pris une longueur d’avance. L’application de messagerie a ouvert il y a quelques années sa plateforme aux entreprises qui peuvent y créer des « comptes officiels ». Ces comptes fonctionnent comme des mini-applications qui s’intègrent dans l’application WeChat. Les entreprises y déploient leurs services en s’appuyant sur les fonctionnalités natives de l’application. Par exemple, McDonald’s propose via son compte officiel de récupérer des coupons de réduction puis de les utiliser en magasin grâce à la partie « Bons plans » du WeChat Wallet.

Les banques chinoises ont commencé à intégrer WeChat comme nouveau canal de relation client. En Chine, CITIC Bank envoie des messages d’alertes personnalisés directement sur WeChat et ICBC propose la consultation de comptes directement depuis l’application. Dans son registre, Western Union propose depuis peu le transfert d’argent à l’étranger sur l’application.

Des cas d’usages des bots à inventer dans le secteur bancaire

En tant que nouveau canal de la relation client, les bots n’ont de sens que s’ils améliorent sensiblement l’expérience client par rapport aux autres canaux comme l’espace client bancaire. Le choix des services déployés sur les bots doit se faire en fonction de la plus-value apportée en matière d’expérience utilisateur. Dans le cas des bots, celle-ci s’articule autour des notions de simplicité, de rapidité et de proximité.

Cette valeur ajoutée s’exprime distinctement dans les cas d’usages relatifs au service client. La prise de contact avec son conseiller dans l’application mobile de sa banque est souvent longue et fastidieuse. En couplant les capacités offertes par un bot Messenger et celles de l’intelligence artificielle, l’expérience utilisateur sera grandement améliorée pour un client qui contacterait directement son conseiller et obtiendrait une prise en charge immédiate dans une application qui lui est familière

De même, les alertes en temps réel sur des transactions suspectes constitueraient un cas d’usage intéressant. Lorsqu’une banque détecte une transaction anormale sur le compte d’un de ses clients, elle alerte directement ce dernier via son bot et lui laisse le choix de bloquer temporairement ou non sa carte bancaire.

Enfin, les banques peuvent profiter de la popularité des applications de messagerie chez les jeunes pour gagner en visibilité sur cette cible. Selon l’étude Junior Connect d’Ipsos, 61% des 13 -19 ans en France sont des utilisateurs fréquents des messageries instantanées. On peut imaginer ici un cas d’usage où le banquier, anticipant des opportunités commerciales chez un client, le sollicite pour un rendez-vous commercial directement sur Messenger.

Pour conclure, les applications de messagerie peuvent constituer demain une nouvelle porte d’entrée vers les services financiers, au même titre que les espaces clients. Elles seraient support d’un « mix » de services :

  • Des services propriétaires proposés par les applications de messagerie elles-mêmes : transfert d’argent, paiement en ligne, paiement mobile…
  • Des services proposés par les FinTech
  • Des services proposés par les banques : service client, alertes, propositions commerciales…

Ces applications pourraient ainsi fournir des services concurrents ou complémentaires de ceux proposés aujourd’hui sur l’espace client, tout en apportant une expérience utilisateur originale et différenciante. L’enjeu pour les banques sera de choisir les services à développer sur les bots pour qu’ils apportent une véritable valeur ajoutée au client. Il sera également nécessaire d’assurer la complémentarité de ces différents canaux pour proposer une expérience globale satisfaisante au client.