Passée officiellement en Août 2015 sous la barre symbolique des 1%, la baisse de la rémunération du placement règlementé est constante depuis 2011. Sur l’ensemble de l’année 2015 elle s’illustre par une décollecte brute s’élevant à 9,29 milliards d’euros, la seconde depuis 2005, au profit de placements plus rémunérateurs comme les contrats d’assurance-vie. Ainsi, des opportunités s’offrent aux Fintech proposant des services de conseils et d’investissement d’épargne et oblige les institutionnels à s’adapter. Détails.

Les plateformes de crowdlending veulent en profiter pour amasser des dépôts

  • La montée en puissance du crowdlending

À première vue, il y a peu d’éléments communs entre livret A et la finance participative. Si le premier est très liquide et garanti par l’État, le risque de perdre sa mise de départ pour l’épargnant est intimement lié à la seconde. Et pourtant, face au désamour pour le livret réglementé, les plateformes de financement participatif tentent de séduire de nouveaux clients. Ces dernières insistent sur le lien étroit entre le lanceur de projet et les prêteurs, mais elles n’en oublient pas pour autant l’intérêt financier. Pour Polexandre Joly, président de Finsquare positionnée sur le prêt aux TPE et PME, les prêts proposés aux épargnants « offrent  un placement liquide nettement plus rémunérateur que le livret A » en partie grâce au fait qu’ils sont de très courte durée – de 3 à 24 mois. Après avoir doublée de taille en 2014, la collecte de prêts a atteint en 2015 196,3 millions d’euros, contre 88,4 2014 selon le baromètre Financement Participatif France. Cette croissance spectaculaire du crowdlending, est à mettre en relief aux 24,6 milliards d’euros collectés par les assureurs-vie en 2015.

  • La liberté d’investir dans l’économie réelle

Le financement participatif tourné vers l’économie réelle, offre une transparence en opposition avec des marchés financiers de plus en plus complexes à comprendre pour le grand public. On dénombrait en Juin 2015 pas moins de 13 métropoles de startup labellisées French Tech, autant d’écosystèmes attractifs pour les plateformes de financement participatives locales telle Prêtdechezmoi.coop ou Bulbintown.com. L’engagement local offre des perspectives de développement intéressantes pour la collecte de l’épargne en ligne.

  • Des placements immobiliers rentables mais risqués

Si certains acteurs, d’abord spécialisés dans le financement de start-up se sont lancés dans l’aventure immobilière, d’autres, comme Crowdfundingimmo.fr, se consacrent exclusivement à la pierre. Son cofondateur Vincent Sillègue, assure que le « premier projet de crowdfundingimmo.fr aura servi 7% de rendement au bout de 14 mois ». Lots de maisons individuelles, bureaux ou encore logements sociaux, le ticket d’entrée se situe entre 1.000€ (Lymo.fr) et 3.000€ (Anaxago.com) pour investir dans ces projets variés. Cette démocratisation de l’investissement immobilier est ici synonyme de rendement intéressant pour le particulier (entre 7% et 12% selon les projets) cherchant à diversifier son épargne, mais aussi de perte en capital et d’illiquidité tant les risques sont nombreux : administratifs (recours sur le permis de construire), techniques (retard dans la livraison..) et aussi commerciaux (délai de commercialisation, invendus, etc…).

L’essor des vulgarisateurs de la gestion privée

  • Le venture capital à la portée de tous

Parmi les nombreuses structures de crowdfunding françaises, Sowefund permet à l’investisseur de prendre des participations en actions dans de jeunes sociétés à partir de 100€. La sélection des dossiers et les contributions versées par les particuliers sont réalisées aux côtés de fonds d’entrepreneurs et de business angels dont la participation est censée pérenniser les projets. Les risques de perte demeurent car l’entreprise (souvent jeune) ayant collecté des fonds peut ne pas se développer comme prévu ou pire, faire faillite.

  • Des robots-conseillers gérant l’épargne en fonction du profil de risque de chacun

Sur le modèle de marchés matures comme aux USA avec Wealthfront et Betterment, l’offre française se diversifie aujourd’hui avec l’essor de la gestion passive de portefeuille d’actifs. La recette ? Proposer des mandats de gestion (assurance vie, compte titre) à coûts réduits, des robots conseillers de la gestion d’épargne en ligne, des investissements dans les meilleurs fonds ETF, une allocation adaptée au profil de chaque client. Yomoni et son modèle basé sur la gestion passive dans laquelle Crédit Mutuel Arkéa et Iéna Venture Capital sont entrés au capital en Juin 2015, illustre l’essor de ces nouveaux acteurs dans la gestion d’épargne.  Avec un réduction des frais de gestion compris entre 0,5% et 0,3%, pour Laurent Girard cofondateur de Yomoni, le projet est simple mais révolutionnaire, il s’agit « d’ouvrir le marché de la gestion financière à une clientèle qui aujourd’hui en est exclue ». Sociétés de gestion d’épargne en ligne et banquiers privées ne chassent donc pas sur les mêmes terres : « nous visons avant tout les jeunes de 25 à 35 ans, qui se lancent dans le marché du travail et se contentent pour la plupart d’un livret A ou d’un PEL pour placer leurs économies » assure Mourtaza Asad-Syed, qui préside la structure et dirige la gestion.

  • Un positionnement complémentaire entre la banque et l’épargnant

La faiblesse des frais de gestions et l’aspect ludique de l’investissement séduisent aujourd’hui les épargnants qui se tournent vers les Fintech. Si ces nouveaux acteurs apparaissent aujourd’hui comme des adversaires en devenir de ceux traditionnels, il n’en reste pas moins que les produits et services qu’ils proposent ne sont pas foncièrement différents de ceux distribués par les banques. Le positionnement des gestionnaires sous mandat évoqués ci-haut est en revanche complémentaire à celui des acteurs traditionnels pour les épargnants dans leur capacité à démocratiser des produits et services perçus comme complexes. De même, à l’instar de ce que prônent les banques mutualistes au travers du sociétariat, le crowdlending parvient à rendre transparent l’investissement et est très apprécié des jeunes cadres aux revenus croissants, cibles à fort potentiel de PNB pour les banquiers.

Ainsi, bien que les ordres de grandeurs des collectes de fonds ne soient pas aujourd’hui comparables, la multiplication des rachats et partenariats stratégiques témoigne de la prise de conscience des banquiers du danger que représente la vague numérique des Fintech pour leurs parts de marchés.