Les taux d’intérêt des crédits immobiliers ont atteint depuis 2015 des niveaux historiquement bas, ce qui constitue une aubaine pour les particuliers désireux d’acquérir un logement en cette rentrée du mois de septembre 2016. En revanche, cette situation se révèle moins avantageuse en termes de rentabilité financière pour les banques, qui réduisent leurs marges pour attirer des clients. Quelle sera l’évolution future des taux d’intérêt ? Quelles sont les conséquences pour les établissements de crédit ?

Situation actuelle et historique

Les taux d’intérêts sont actuellement à un niveau historiquement bas. En effet, les taux moyens des transactions immobilières en France atteignent au fil des mois des taux planchers historiques, après une année 2015 déjà marquée par des taux d’intérêt très bas malgré une légère remontée en fin d’année. En août 2016, selon l’Observatoire Crédit Logement CSA, les taux des crédits du secteur se sont établis à 1,48% en moyenne en août 2016 contre 1,55 % en juillet et 1,62 % en juin, tous montants et toutes durées – hors assurance et coût des garanties. La baisse des taux concerne l’ensemble des durées de prêt. Par ailleurs, la moyenne de la durée des prêts s’est établie à 209 mois soit 17,4 ans en juillet 2016.

Pourquoi cette situation ?

Cette situation est le résultat du contexte économique actuel : la politique monétaire de la BCE, les obligations d’état françaises, l’inflation quasi-nulle. L’effet Brexit s’illustre également dans les comportements anxiogènes des investisseurs.

  • La politique monétaire de la BCE

La BCE a décidé début septembre de maintenir le statu quo en termes de politique monétaire.

Le programme d’assouplissement monétaire, le « QE » (Quantitative Easing), demeure au rythme de 80 milliards d’euros par mois et son terme est maintenu jusqu’en mars 2017 ou au-delà si jugé nécessaire. Les taux restent également inchangés. Le taux de dépôts est négatif depuis juin 2014 et stationne à -0,40%. Son taux principal a baissé de 0,05 à 0% en mars 2015 et, en septembre, la BCE a décidé de maintenir son taux à 0%. Le taux de prêt marginal a également baissé en mars 2015 à 0,25%.

Cette politique fait par ailleurs l’objet de nombreuses critiques quant à sa réelle efficacité.

  • Les obligations d’état françaises

Les banques s’appuient sur les taux des OAT à 10 ans comme indicateur du coût de refinancement pour fixer les taux des crédits sur des périodes similaires. Plus le niveau de l’obligation est faible, plus les ressources qu’elle devra trouver pour financer les prêts seront bon marché. Or, les OAT 10 ans se situent sous la barre des 1% en 2016.

  • L’inflation quasi-nulle

En 2015, le taux d’inflation est de 0,0% en France.

Comment vont évoluer les taux ?

Cette situation devrait perdurer : médias et courtiers anticipent une baisse des taux courant septembre 2016.

Les banques se sont fixées les mêmes objectifs commerciaux en 2016 qu’en 2015 et cherchent à rattraper une fin d’année 2015 difficile. Fin 2015, l’activité des prêts immobiliers s’est repliée, en raison d’une légère remontée des taux et des attentats.

L’argent coûte actuellement peu cher aux banques. Selon les courtiers, elles affichent donc des tarifs agressifs.

En revanche, l’élection présidentielle de 2017 devrait amener de nouvelles mesures législatives, plus ou moins favorables aux acquéreurs, sur les biens immobiliers.

À qui profitent ces taux ?

Le marché immobilier repart à la hausse et cette situation est bénéfique pour les ménages, essentiellement pour les primo-accédants.

Le marché de l’ancien a retrouvé un volume d’activité d’avant crise avec 809 000 transactions en 2015, en hausse de 16% sur un an, selon le site des notaires. Le marché du neuf est également reparti à la hausse après une période de crise.

De plus, les ménages peuvent emprunter sur des durées plus courtes et des montants plus élevés.

Quelles sont les conséquences pour les établissements de crédit ?

Les taux bas constituent une nouvelle situation aux multiples conséquences.

Cette situation entraine une multiplication des renégociations de prêt. Les établissements bancaires diminuent leurs marges pour garder leur clientèle. Mais les rachats de crédits immobiliers permettent aussi aux établissements de percevoir les indemnités de remboursement anticipé.

Les conséquences sur les épargnants

Les taux bas constituent également une perte de repère pour les épargnants qui ne trouvent pas de rendement significatif sans risque. À titre d’exemple, le taux du Plan d’Épargne Logement est actuellement de 1%, celui du Compte Épargne Logement 0,5%. Le livret A se maintient à 0,75%. Les contrats d’assurance-vie et les livrets bancaires, qui constituent pourtant un produit d’appel pour les banques grâce à leurs taux attractifs, n’affichent plus des performances réellement intéressantes à l’heure actuelle.

Les conséquences sur l’équilibre économique des banques

Les taux bas modifient donc en profondeur le modèle économique des banques.

Les banques tentent aujourd’hui de se rattraper sur les frais de dossier des crédits immobiliers. Elles sont également tentées de faire payer des frais de tenue de compte à leurs clients. Cette mesure ne concerne pas uniquement les banques traditionnelles qui disposent d’un solide réseau d’agences physiques à travers le territoire (BNP Paribas, Société Générale, LCL …) mais également les banques en ligne qui ont lancé une offre payante pour conquérir de nouveaux clients, à l’image de Boursorama Welcome, une nouvelle offre lancée fin septembre 2016, accessible sans conditions de revenus ou d’encours. Toutefois, les frais de gestion des comptes inactifs sont plafonnés par un arrêté du 21 septembre 2015 ainsi que d’une manière générale, les frais de tenue de compte des clients.

Cette situation n’est pas sans conséquences pour les établissements de crédit, à l’image de la banque britannique HSBC qui a décidé de réduire ses effectifs. 466 postes seront supprimés d’ici à 2018, pour l’essentiel des fonctions informatiques, de back-office dans la banque de détail et des fonctions administratives et financières. Cette mesure est l’une des conséquences de la chute des taux, qui affecte négativement la rentabilité des établissements de crédit. D’autres paramètres rentrent en ligne de compte dans la décision de réduire l’activité mais de manière générale les établissements bancaires sont fragilisés. Les autres établissements européens sont également concernés, à l’image de la banque allemande Commerzbank, qui va supprimer 9 600 postes.

De plus, les établissements bancaires craignent un durcissement des exigences en capital à l’issue du nouveau projet de régulation Bâle IV. En effet, la Fédération bancaire européenne évalue à plusieurs centaines de milliards d’euros l’impact en capital des nouvelles règles en préparation. Ces nouvelles exigences seraient donc plus sévères que les règles de Bâle III édictées fin 2010, suscitant ainsi la crainte des banques pour leur rentabilité économique future.

Ainsi, les taux bas fragilisent le modèle économique des banques, qui sont déjà affectées par les contraintes réglementaires depuis la crise des subprimes en 2007. Les banques de détail doivent donc relever le défi de capter leur clientèle de plus en plus exigeante et volatile. Elles doivent compenser la baisse de leur marge d’intermédiation (crédit) par des revenus de commissions (assurances, …) pour préserver leur rentabilité. Mais la maîtrise des risques est toujours d’actualité…