Depuis 2014, la clientèle fragile est entrée au cœur des débats. Bien qu’elle fasse l’objet des discussions depuis la publication de la législation mettant en place une offre spéciale, elle survient dans un environnement de précarité bancaire croissant. En effet l’Observatoire des inégalités constate une augmentation de 13% de la population en situation de précarité en 2017.

Cette offre spécifique propose une solution en définissant une offre bancaire à moindre coût (3€ par mois) et à destination d’une population déterminée (les personnes inscrites au Fichier Centrale des Chèques pendant une durée de 3 mois, les personnes en situation de surendettement et celles déterminées par les banques). Selon le rapport annuel de l’Observatoire de l’inclusion bancaire publié en Juin 2019, 10% de la clientèle en situation de fragilité bancaire souscrit à cette offre car elle est perçue comme stigmatisante par les personnes concernées.

Les banques ne se sont réellement emparées du sujet que depuis quelques années avec le plafonnement des frais de découverts ne pouvant aller au-dessus de 200€ par an transformant le coût de gestion de la clientèle fragile en véritable enjeux. Néanmoins, malgré des gestes pleins de bonnes volontés comme ceux-ci, la législation a impacté la rentabilité de cette clientèle fragile en limitant la tarification des services bancaires sans que les banques n’aient travaillé sur leurs coûts de gestion. Cette rentabilité est d’autant plus impactée car les clients dits fragiles sollicitent davantage leur conseiller bancaire ; étant une population financièrement peu attractive, les modèles opérationnels deviennent coûteux car très souvent utilisés.

En l’absence de véritables sanctions rendues à l’encontre des banques, ces dernières n’investissent pas en priorité dans l’optimisation du modèle de relation de cette clientèle. Néanmoins, des solutions existent pour à la fois réduire la clientèle en situation de fragilité (effet volume), développer des modèles de relation plus performants (effet ROI) et adapter les solutions de scoring pour identifier les clientèles fragiles avec un plus grand potentiel de retour à une situation plus saine.

1. L’anticipation des situations de fragilité bancaire

Pour mieux comprendre les profils en situation de fragilité bancaire, un système de scoring doit être mis en place.

Ainsi, il est possible de profiler et identifier la capacité d’un client à sortir de la précarité ainsi que le taux de récidive. La banque pourra alors optimiser ses investissements en proposant ses services à ceux qui peuvent retrouver une situation saine. Grâce à des facteurs objectifs (niveau de diplôme, zone géographique, type de précarité, âge), il est possible d’étudier chacun des profils et estimer les coûts de gestion associés. Ce système permet également d’identifier les profils intermédiaires pour leur proposer des solutions pertinentes et éviter les situations de surendettement. Dans ce cas, le client reste financièrement intéressant pour la banque qui évite des coûts de gestion liés, par exemple, à des procédures de recouvrement.

Ainsi, ces outils de scoring constituent une plus-value pour la banque qui pourra suivre ses clients en situation de fragilité bancaire et proposer les offres commerciales les plus adaptées. Par ailleurs, recourir à ce système de scoring spécialisé permet d’analyser les tendances et gérer les coûts relatifs à ces profils de façon plus globale. Il permettra également de rationaliser les offres et la quantité de bénéficiaires des offres que nous allons exposer ci-après.

2. Diversité des profils et offres associées

Il est possible de distinguer trois principaux profils dans le segment de la clientèle fragile.

  • Une clientèle fragile avec un fort potentiel de retour à une situation saine à qui il est possible de proposer l’ensemble des offres, ce que nous appellerons une « offre maximale »,
  • Une clientèle fragile avec un certain potentiel de retour à une situation saine mais qui n’a pas nécessairement besoin d’être suivie et accompagnée par la banque. La banque lui proposera donc une « offre intermédiaire »,
  • Une clientèle fragile qui a statistiquement peu de chance de retrouver une situation plus confortable à qui une «offre minimale » sera proposée.

L’offre minimale se limite à un ensemble de produits et services coûtant le moins possible à la banque. En effet, proposer des services superflues non consommés par cette catégorie de population n’aura aucune utilité pour les deux parties. En complément des offres adaptées, la banque peut mettre en place des règles de gestion spécifiques permettant un transfert des dossiers aux départements contentieux et cession de créance rapide. Ainsi, elle pourra récupérer plus rapidement ses créances avant tout risque d’insolvabilité totale.

Alors qu’un système d’accompagnement téléphonique par une équipe dédiée est mis en place dans le cadre de l’offre intermédiaire, c’est un accompagnement en agence qui est privilégié pour l’offre maximale. Le client bénéficie d’un suivi et un coaching financier plus efficace nécessitant du temps et de l’investissement de la part du conseiller bancaire. Ce type d’accompagnement donne à la banque des perspectives de PNB en hausse et une amélioration de la fidélisation client.

3. Développer des modèles de relation plus performant opérationnellement (effet ROI)

Pour un meilleur accompagnement de la clientèle en situation de fragilité bancaire, des solutions utilisant l’intelligence artificielle peuvent être mises en place.

En effet, une proposition de l’offre légale obligatoire automatisée à partir de certains paramétrages via des outils digitaux, combinés à un parcours de souscription et de gestion 100% digital permet de décharger le chargé commercial front et middle office. Ces tâches sont alors recentrées vers des missions à plus forte valeur ajoutée diminuant ainsi le coût de gestion pour le segment de la clientèle fragile.

L’automatisation de ces process combinée à des offres commerciales plus adaptées facilite le retour à une situation plus confortable pour le client. Par exemple, un coaching budgétaire adapté et automatisé, permettra à la clientèle ciblée d’avoir une vision globale des habitudes de consommation mais aussi de recevoir des conseils et recommandations pour une meilleure gestion des dépenses. La digitalisation des outils de relation client permettra également la mise en relation avec les partenaires sociaux spécialisés en matière d’aide à la sortie de la précarité et pourra alors augmenter le taux d’utilisation des ces associations qui sont reconnues comme efficaces.

En somme, il existe un ensemble de solutions dédiées à l’amélioration de la situation des clients dits fragiles. Toutefois, l’efficacité de ces solutions dépend de la capacité de la banque à bien identifier ces clients pour répondre à leurs besoins de manière pertinente. A titre d’exemple, le micro financement est une solution intéressante pour les deux partis. Les services d’inclusion sociale via des associations peuvent être également proposés aux profils qui en auront réellement l’utilité.