Paul, jeune cadre dynamique, met tout juste fin à une journée de travail éprouvante : ses clients exigeants ne lui ont pas laissé une minute à lui. Le week-end arrivant, il souhaite se changer les idées et propose à son ami Jean d’aller dîner dans un restaurant de la capitale où ils ont leurs habitudes. Le repas se passe bien, les deux amis se racontent leur semaine puis vient le moment de la « douloureuse ». Paul et Jean ont pour habitude de partager la note. Malheureusement, le serveur les informe que le TPE est en panne et qu’il va falloir payer en liquide. Paul n’ayant que sa carte bancaire, Jean lui propose alors de l’avancer et suggère à Paul de le rembourser par virement. Ce dernier se montre plutôt réticent car il s’imagine déjà la croisade : aller à sa banque afin de demander un virement, que cette dernière va lui refuser puisqu’une carte de clés personnelles a été envoyée à son domicile pour effectuer ce genre d’opérations depuis son espace client. « Eh oui, la banque se dématérialise monsieur, nous essayons de responsabiliser nos clients ! » lui répondra très certainement sa conseillère. Évidemment, Paul se souvient vaguement d’une carte avec une tripotée de codes fournie par sa banque, il n’en connaissait jusqu’alors pas l’utilité et s’en est malheureusement débarrassée lors de son dernier déménagement. C’est à ce moment que Jean lui parle des applications mobiles permettant le remboursement de ses proches de façon très simple.

Un exemple de nouvelle solution de paiement simple, ludique, et séduisante : Pumpkin

Le fonctionnement est simple : on entre le numéro de téléphone ou le nom d’un proche, on saisit le montant à lui verser, on entre son code de sécurité défini préalablement, et c’est envoyé. Il est aussi possible de demander à quelqu’un de l’argent. En plus de ces fonctions principales, l’application présente l’originalité d’utiliser les fonctionnalités des réseaux sociaux, et est sécurisée sans que l’on ait besoin de renseigner une multitude de codes supplémentaires. Autant d’avantages qui ne sont jusqu’ici pas offerts par les banques traditionnelles. Pour ne rien leur arranger, la start-up a investi les campus des universités et des écoles de commerce afin de présenter aux étudiants ses offres tout en en en profitant pour recruter et continuer à développer sa société. C’est donc tout naturellement que cette application s’est faite une place au soleil au sein de ce nouveau marché. Fin 2016, celle-ci enregistrait déjà plus de 3 millions d’euros de transactions par mois pour près de 100 000 utilisateurs. D’autres applications semblables à Pumpkin ont vu le jour peu ou prou à la même période, parmi elles Lydia ou encore Circle ; toutes permettent le remboursement entre particuliers et reprennent les codes des réseaux sociaux. Cette concurrence directe stimule ces entreprises et les pousse à proposer des fonctionnalités toujours plus innovantes. Le constat est le suivant : la génération Y regroupant les personnes nées entre 1980 et 2000, cible assumée de ces néo-entreprises, utilise en très grande partie les services de ces nouveaux acteurs afin de se rembourser : Lydia, l’un des principaux concurrents de Pumpkin, en compte plus de 600 000. Ces nouveaux outils sont omniprésents, si bien que désormais la phrase que l’on pouvait entendre régulièrement… « Tu peux m’avancer mon repas ce midi ? Je te fais un virement demain je te jure !», a laissé place à une nouvelle formule… « Tu peux m’avancer mon repas ? Je te fais un Pumpkin tout de suite ! ». Et si c’est un mauvais payeur, aucun problème : l’application propose même au créancier de relancer le débiteur toutes les 24 heures. Les remboursements sont donc totalement décomplexés, en témoignent les opérations effectuées par ses propres contacts que l’on peut « liker » et commenter comme sur Facebook.

Panorama des 3 principales applications de remboursement : Lydia, Pumpkin, et Circle

 

Une relation « win-win » entre start-ups et acteurs historiques

En l’espace de 3 ans, ces start-ups n’ont fait que progresser car elles ont su identifier des irritants client, comme par exemple la « lourdeur » du process pour effectuer un virement au sein des banques traditionnelles : se connecter à son espace client, renseigner le RIB du destinataire, puis entrer un code reçu par SMS ou sur un boîtier en sachant que parfois il faut attendre quelques jours le bon enregistrement du nouveau RIB avant de pouvoir réaliser l’opération. Ces solutions nouvelles font progresser l’expérience client en termes de rapidité et de simplicité. Les nouveaux acteurs ont donc saisi le levier que représentent les nouvelles technologies pour renouveler les modes d’interactions avec les clients. Dee nouveaux moyens de paiement se sont ainsi développés sous forme de fintechs. 25% des Français se disent prêts à quitter leur banque pour l’une d’elles, ces dernières ne se présentant plus comme un simple complément aux banques mais comme une véritable solution alternative. Un bémol néanmoins : ces fintechs ne répondent qu’à une partie des besoins clients : aucune n’a une proposition de valeur équivalente de bout en bout à celle proposée par une banque classique (crédits, assurances, moyens de paiements).  La question est maintenant de savoir quelles parades les institutions bancaires traditionnelles trouveront-elles pour contrer cette concurrence qui se montre chaque année plus importante. Certaines ont choisi l’option du rachat : La Banque Postale a racheté KissKissBankBank, une entreprise de financement collaboratif ayant décollé au début des années 2010 et qui se place aujourd’hui parmi les principaux sites européens de financement participatif. En juillet dernier, le Crédit Mutuel a acquis Pumpkin afin d’y associer la marque du groupe au dynamisme de la start-up. Il faudra exploiter par la suite les forces de chacun : le Crédit Mutuel apportera par exemple son expérience et son réseau pendant que Pumpkin offrira sa créativité, son dynamisme, et sa jeunesse. L’objectif principal des banques est bel et bien de d’accélérer leur transformation et le processus d’innovation en misant sur les fintechs et donc améliorer l’expérience client afin de répondre aux nouvelles attentes de leurs clients. Ces différents partenariats pourront également permettre de dépoussiérer un système qui a cherché à se rénover au cours des dernières décennies et qui ont vu leurs jeunes clients se détourner de plus en plus d’elles au profit des banques en ligne ou de nouveaux acteurs comme les fintechs. Ces nouvelles applications proposant des services largement sollicités par les moins de 30 ans en sont de parfaits exemples. Il s’agit donc d’une relation « win-win » entre les banques traditionnelles et ces nouveaux nés.

Des collaborations sur le long terme ?

Si ces collaborations disruptives semblent être bénéfiques pour toutes les parties prenantes qui composent le marché, il faut malgré tout se poser la question si ce qui ressemble à une belle histoire est amené à être durable ou non. Les Français, connus comme des investisseurs frileux, seront-ils séduits par le couple banque-fintech ? Si l’idée d’association plait, il n’en demeure pas moins évident qu’il faudra développer le potentiel pour que celle-ci perdure, et cela passe forcément par l’innovation pour contrer une autre partie prenante du secteur : les GAFA, autrement dit les géants du web : Google, Amazon, Facebook, et tous les autres grands acteurs d’Internet. Si les millions investis dans les jeunes pousses par les banques françaises semblent impressionnants, ils restent dérisoires face aux 4,5 milliards dépensés par Alibaba dans sa fintech Ant Financial. Les GAFA sont considérés comme les prochains « rois des paiements » et se voient aussi comme des partenaires des banques. Laurent Solly, directeur de Facebook France, expliquait lors de la très attendue table ronde « Un monde sans banque est-il possible ? » être un allié stratégique pour les accompagner dans leur transformation digitale. De l’autre côté, on assure que les fintechs sont elles aussi des « partenaires naturels » assure François Pérol, président du directoire BPCE, mais reconnait également après ces amabilités que « tout le monde est notre concurrent », c’est-à-dire les start-ups mais également les GAFA. Les acteurs de ce marché restent donc sur le qui-vive et se proposent des partenariats mutuels tout en gardant une certaine distance dans ces associations afin de profiter au mieux du marché: quand les banques estiment pouvoir perdre 24% des parts de ce dernier, les start-up technologiques pourraient en posséder jusqu’à 30% d’ici à 2020.

La banque voit donc de nouveaux acteurs débarquer progressivement sur un domaine qu’elle dominait largement jusqu’ici. Sa valeur ajoutée par rapport aux fintechs reste dans la maîtrise de la relation client de bout en bout et de l’ensemble des composantes, quand celles-ci ne proposent que des solutions qu’à des chaînons de cette relation. De plus, les barrières à l’entrée sont fortes pour concurrencer pleinement les banques sur l’ensemble de leur chaîne de valeur : conformité, licences bancaires, etc… Vis-à-vis des GAFA, la banque peut jusqu’ici capitaliser surle capital confiance de ses clients dans la maîtrise de leurs données et de leurs avoirs. A eux de bien négocier le virage de GDPR pour qu’il reste un atout durable. Une étude menée par Deloitte explique que 76% des français pensent qu’un outil digital ne peut remplacer l’expertise et la proximité d’un conseiller clientèle. C’est donc cet élément-clé qu’il va falloir creuser et rénover, et cela passera nécessairement par la phygitalisation de leur structure et de leurs agences, à l’instar de la Banque Populaire qui a équipé ses conseillers de 14 000 iPad en 2015.

En attendant, Paul a été ravi du dîner avec son ami et se voit bien utiliser davantage Pumpkin, Lydia, ou Circle pour rembourser ses amis lors de ses futures sorties.