Les récentes crises ont  provoqué une certaine défiance du grand public à l’égard des Banques d’Investissement et de Financement (BFI). Parallèlement, de nouvelles contraintes réglementaires ont été mises en place afin d’éviter une nouvelle crise : Bale III, la loi de séparation et de régulation des activités bancaires ou encore l’encadrement de l’usage des produits de dérivés de gré à gré. Dans un secteur où la croissance annuelle a fortement baissé, les BFI se sont réinventées tout en s’adaptant aux nouvelles règles.

Réorganisation et transformation

Suite à la mise en place des nouvelles normes réglementaires, les activités des BFI sont devenues plus onéreuses. Elles requièrent davantage de fonds propres ainsi que des investissements considérables dans les systèmes d’informations et le risk management. Compte-tenu de la conjoncture économique actuelle, les banques privilégient les activités plus sûres, moins exigeantes en capitaux et liquidités mais suffisamment rentables.

Les BFI ont mis en œuvre des politiques de réduction des coûts pour compenser ces dépenses accrues. Elles ont supprimé des postes afin de diminuer leurs charges salariales. De plus, elles ont externalisé voire délocalisé certaines activités. C’est ainsi que la SGCIB, BFI de la Société Générale, a confié son back-office titres à la plateforme Accenture Post-Trade Processing et que le Crédit Agricole CIB s’est tourné vers l’éditeur américain FIS. D’autres activités de support ou de reporting sont également concernées par ce phénomène. Par ailleurs, la préoccupation de rentabilité a abouti à l’abandon d’activités consommatrices de fonds propres – notamment l’asset management de ses capitaux – ou présentant un gain trop faible en regard des charges d’exploitation comme les activités obligataires ou les matières premières.

Les BFI ont aussi privilégié un modèle « Originate to Distribute » en remplacement du « Originate and Hold ». Ainsi, lors de l’octroi d’un financement, le risque inhérent (défaut, marché, contrepartie) n’est plus détenu jusqu’à maturité du crédit puisqu’une fraction importante des engagements est cédée à un tiers. Cette stratégie permet de présenter un bilan apuré d’une part des risques et de limiter le niveau de liquidés et fonds propres requis légalement. Ce changement de paradigme a entraîné des bouleversements concernant l’ingénierie financière, les produits proposés mais également la gestion du risque avec notamment l’essor du département de Risk Management. En effet, si la cession à un tiers d’une créance présente des avantages indéniables, elle requiert une évaluation fine de la contrepartie impliquée et le suivi du crédit jusqu’à son terme avec au préalable un montage et une évaluation souvent complexe.

Ces modifications s’inscrivent dans une transformation des mentalités. L’objectif est d’optimiser l’ensemble des processus, de diffuser les bonnes pratiques, de mutualiser et de ne plus fonctionner de manière segmentée tout en emportant l’adhésion des équipes à cette transformation globale. Ce fonctionnement plus transversal vise à améliorer la qualité de service.

Dans un secteur en pleine révolution

Le développement des nouvelles technologies dans les BFI représente un marché non négligeable. 21% des start-up américaines ou européennes s’adressent à elles. Pour faire face à la concurrence, les BFI instaurent notamment des partenariats ou acquièrent certaines fintechs qui leurs servent d’appui pour innover.  Le fond dédié aux technologies financières de BBVA, la banque d’investissement et de détail espagnole, a ainsi atteint 227 millions d’euros début 2016.

Tirer parti du digital doit permettre aux BFI de se différencier et de suivre les tendances pour ne pas se laisser distancer par la concurrence. Il s’agit par exemple d’utiliser le mobile, les réseaux sociaux ainsi que les outils disponibles pour mieux cerner leurs clients corporate, mais également pour consolider le cœur de métier. Citons l’utilisation de logiciels permettant de faciliter le book-building obligataire lors d’une introduction en bourse ou encore l’exploitation de la blockchain. L’enjeu est également de rendre plus flexibles les systèmes d’information et le fonctionnement interne tout en réduisant le time-to-market, en particulier lorsque les solutions sont développées en agile.

Transformation

Les grands acteurs sont nombreux à lancer des initiatives afin d’étendre la gamme des produits et services proposés. Cela leur permet d’élargir leur clientèle et de renforcer la proximité avec leurs clients. Par ailleurs, les BFI tendent à exploiter leurs données, notamment en créant des indicateurs divers qui leur permettent d’affiner leurs analyses de risque et personnaliser les services et offres.

Une autre tendance consiste à développer le cross selling ainsi que les activités de conseil, en fusion et acquisition par exemple. Elles reposent sur une connaissance fine des secteurs et acteurs impliqués ainsi que des alternatives de financement ; leur intérêt est qu’elles nécessitent peu de ressources financières. Ce renouveau de certaines activités est renforcé par une évolution des mentalités : les BFI prennent conscience de la valeur de leurs ressources humaines sur lesquelles repose leur expertise. Elles s’efforcent de les ménager, par exemple en reconsidérant les horaires de travail, et essaient ainsi de retenir les jeunes talents.

En 2008 les BFI ont affronté une crise qui les a sérieusement marquées : directement par des mesures de régulation durcies et indirectement par ses impacts économiques mondiaux. Elles ont conséquemment modifié leur organisation et leur fonctionnement afin de répondre aux exigences imposées mais également pour leur survie en adaptant le spectre de leurs activités. Le défi actuel consiste à poursuivre ces transformations tout en faisant face à la concurrence et à l’impact des nouvelles technologies en restant prêtes à s’adapter à toute nouvelle évolution réglementaire.