Une rentabilité à deux chiffres pour les BFI d’ici 2019

Dans son dernier rapport, Oliver Wyman – cabinet de conseil leader en management – prévoit que les BFI (Banques de Financement et d’Investissement) atteindront d’ici 2019 une rentabilité à deux chiffres, qui pourrait se situer entre 13% et 14%.

Très bonne nouvelle 10 ans après la crise 2007 qui a commencé par la crise des subprimes, et que la crise des dettes souveraines en Europe est venue aggraver. Ces dix dernières années, placées sous le signe de l’adaptation aux nouvelles réglementations,  ont mis sous une grande pression les BFI mondiales qui n’ont pas pu échapper à la baisse drastique de la rentabilité.

Ces principaux acteurs de la scène financière mondiale qui connaissaient un taux de croissance moyen de 20% depuis la fin des années 90 jusqu’à 2008, ont vu ce taux chuter entre 2008 et 2012 à moins de 7%, et s’effondrer jusqu’à 3% entre 2012 et 2014.

La réglementation, bien que motivée par de bonnes intentions, s’est traduite par des mesures drastiques comme le durcissement de la supervision, le renforcement de la solvabilité, l’amélioration de la liquidité et des contraintes sur la taille du bilan. Naturellement, cette vague de réformes ne pouvait pas ne pas amener dans son sillage des sanctions pour les mauvais élèves : des milliards de dollars ont été ainsi payés pour des amendes (manipulation d’indices par exemple) et des litiges.

Le rôle clé de la transformation digitale dans ces projections

Pour retrouver une rentabilité satisfaisante, les BFI ont dû mener des actions de grande ampleur visant notamment à réduire leurs coûts de fonctionnement en réduisant les effectifs et leur masse salariale, à assainir les bilans à travers des cessions d’actifs principalement, et enfin, à se recentrer sur les meilleurs clients.

Si l’assouplissement réglementaire promis par TRUMP est l’une des raisons qui expliquent ces prédictions optimistes concernant la rentabilité des BFI, l’automatisation des processus et la transformation digitale sont, d’après Oliver Wyman, des opportunités majeures que les BFI n’ont pas encore tout à fait exploitées. En chiffres, cela reviendrait à une économie de 15 à 20 milliards qui peut être réalisée, toujours d’après Oliver Wyman.

Cela dit, bien que ces leviers ne soient pas complètement exploités, le domaine d’activité de la BFI n’est pas en reste quand on parle transformation digitale. Pour cause, la multiplication des fintechs qui bien que moins nombreuses sur cette branche de la banque (par rapport à la banque de détail par exemple), joue un rôle de plus en plus important dans le changement de l’écosystème de la BFI et laisse présager de profondes transformations.

Pour illustrer tout cela, on peut se référer au rapport de BCG publié en mai 2015 suite à l’étude de 613 fintechs par le cabinet, dont 21% se destinaient à la BFI. Ces dernières ont été classées en trois catégories comme on peut le voir dans le graphique ci-dessous.

      Source : rapport de BCG publié en mai 2015

BCG distingue, comme on peut le voir sur le graphique ci-dessus, 3 catégories dans les fintechs destinées à la BFI :

  • Les Paradigm changers: spécialistes des services mobiles, des réseaux sociaux et du big data et qui sont à l’origine d’un changement de paradigme (elles comptent pour la moitié environ).
  • Les Value enhancers: les startups qui vont imaginer des méthodes nouvelles  pour aider les banques d’investissement à surmonter un obstacle structurel traditionnel ou un défi de flux de travail et créer de la valeur autour du Client Relationship Management, la détection de la fraude et les initiatives open source qui permettent aux banques de développer leurs propres applications.
  • Les Dirsrupters: les fintechs vraiment disruptives qui puisent dans l’analyse des données notamment et court-circuitent la BFI. En effet, cherchant à désintégrer les banques par le biais de nouvelles technologies ou d’outils qui permettent aux clients traditionnels d’agir plus indépendamment des banques d’investissement, ces fintechs incluent à titre d’exemple des fournisseurs de données et d’analyses qui permettent des évaluations indépendantes du crédit structuré, des réseaux électroniques qui permettent aux hedge funds d’attirer des investisseurs accrédités, et des services de renseignement cognitif qui aident les investisseurs à prendre leurs propres décisions commerciales.

Cela dit, même si la digitalisation est une opportunité incontestable pour les activités de financement et d’investissement et même si le secteur est de plus en plus investi par des fintechs innovantes, il n’en demeure pas moins que cette tendance de digitalisation peut être à double tranchant pour la BFI en tant que structure.

L’automatisation et la transformation digitale, leviers à maîtriser pour ne pas en pâtir

En effet, outre  l’analyse que fait BCG du paysage actuel des fintechs, le cabinet prévoit aussi que celles-ci continueront à se greffer à la chaîne de valeur de la banque d’investissement et de financement et ce, en adoptant plus un profil de challenger que de helper, c’est-à-dire qu’elles seront plus des adversaires que des alliées. Dans le même esprit, BCG affirme que la limite entre les Paradigm changers et les disrupters est floue et que les premiers peuvent facilement se transformer en disrupters.

Pour illustrer les revers de l’automatisation, voici deux exemples d’initiatives qui renferment autant d’avantages que d’inconvénients pour la BFI :

  • Dans le domaine de l’origination, il y a aujourd’hui des logiciels de book building déployés pour aider les banques d’investissement à réduire les délais de preuve de concept (PoC) pour faciliter le processus d’introduction en bourse. Sauf que cette innovation pourrait court-circuiter la BFI. En effet, le processus d’introduction en bourse pourrait évoluer des book building classiques (enregistrement des intentions d’achat -volume de titres demandés et prix- des investisseurs potentiels permettant d’établir la faisabilité et le prix de l’opération d’introduction en bourse) vers le ciblage de collectivités d’investisseurs segmentés et la tarification des titres par le biais d’enchères électroniques afin de générer un maximum d’intérêt et d’abonnement.
  • Dans le métier du trading, le trading électronique s’est imposé comme une formule magique de réduction des coûts par la suppression de postes et de variables, mais aussi d’augmentation des transactions. Sauf que cette nouvelle pratique a amené des pertes plus importantes que les gains réalisés, en baissant drastiquement les marges, et ce en faveur de la transparence et en raison de la forte concurrence. Parmi les concurrents, on trouve des plateformes de trading haute fréquence qui vise des gros volumes de transactions de produits simples. La situation est d’autant plus délicate que le régulateur impose le passage par des multi-dealer platforms.

Les BFI devraient bientôt retrouver une rentabilité à deux chiffres, surtout si elles investissent davantage le volet de la transformation digitale. Celle-ci est portée aujourd’hui par un nombre croissant de fintechs, capables d’apporter une réelle valeur ajoutée aux BFI. Néanmoins, la transformation digitale n’est pas sans risques : certaines innovations remettent en question la structure de la BFI, ses activités et son business model. A défaut d’adaptation, ces innovations disruptives mettent en péril des activités cœur de la BFI.

Ainsi, si l’adoption de solutions innovantes est un impératif, elle n’est pourtant pas suffisante à la survie de la BFI telle qu’on la connait aujourd’hui. Celle-ci doit en effet se recalibrer, choisir des activités sur lesquelles se concentrer et en délaisser d’autres, et aussi nouer des partenariats.

Certaines banques commencent déjà à le faire. En ce qui concerne le trading par exemple, les BFI essaient de se rattraper en se concentrant sur l’aspect conseil, elles engagent également des partenariats avec des fintechs concurrentes (JP Morgan avec Virtu qui est une plateforme de trading haute fréquence), et pour finir, elles ouvrent leur Back Office à des nouveaux acteurs par le biais d’API, se positionnant ainsi comme des intermédiaires.