Le crowdfunding, ou financement participatif, est le moyen de financer un projet en faisant appel à un grand nombre de personnes. Entre projets farfelus et anecdotiques (une salade de pommes de terre qui récolte 55.000$ sur kickstarter), ou qui mettent sur le devant de la scène des objets révolutionnaires, ou encore qui permettent de lancer des carrières d’artistes, ce mode de financement s’impose aujourd’hui comme le  nouveau moyen de lever des fonds.

Pourquoi « crowdfunder » ?

Il existe quatre grands types de financement participatif :

  • La levée de fond pour promouvoir des causes charitables ou du mécénat, grâce aux plateformes de don « Donation-based »
  • Le financement sans contreparties financières, mais avec récompense « en nature » «Reward-based »
  • Le financement avec prise de participation « Equity based »
  • Le prêt participatif « Lending-based »

Entre 2014 et 2015, le marché européen du crowdfunding a quasiment doublé, culminant à 6,5 milliards d’euros. Le marché français lui, avoisine les 300 millions d’euros, loin derrière les marchés américain et asiatique qui ont levé respectivement plus de 30 milliards et  10 milliards d’euros en 2015.

Réglementer le crowdfunding : ce n’est plus un choix

Le marché du crowdfunding, de par sa nature dématérialisée, réticulaire et sans intermédiaires est en proie à plusieurs dérives. Les risques sont nombreux et vont des simples cas d’arnaques (de par la difficulté de vérifier la fiabilité des projets (opacité, asymétrie de l’information, etc…)), en passant par les violations des conditions d’exercice, et peuvent aller jusqu’au blanchiment et au financement de groupes terroristes.

Mais le dernier scandale en date, et sans doute le plus retentissant, est celui de « Lending club ».  L’une des premières applications Facebook créée en 2006, dans laquelle Google aurait même investi environ 125 millions de dollars, devenue par la suite fleuron de la FinTech US (et valorisée lors de son introduction en bourse à hauteur de 5,4 milliard de dollars). Suite au scandale, l’entreprise aurait perdu 80 % de sa valorisation boursière après l’éviction de son PDG, le français Renaud Laplanche, alors qu’elle annonçait, au même moment, des bénéfices records pour le premier trimestre 2016. Tout commence par un simple audit interne qui révèle deux violations des conditions d’exercice de la plate-forme de prêts. La première, entre mars et avril 2016, où la société aurait vendue 22 millions de dollars de near prime (prêts subprime) à un seul investisseur, en contravention avec les instructions express du même investisseur.

La seconde infraction est commise par plusieurs employés, dont le PDG Renaud Laplanche. Ils auraient « omis d’informer » le conseil d’administration qu’ils étaient actionnaires d’une société dans laquelle ils avaient poussé « Lending Club » à investir. Après le limogeage de son PDJ, la société assure avoir rompu avec ses pratiques passées, et reprends même des couleurs en bourse, après avoir élargi son partenariat avec la banque nationale du Canada.

En l’absence d’un cadre réglementaire européen commun, chaque pays a pris l’initiative de mettre en place sa propre réglementation (souvent embryonnaire). La France a introduit l’ordonnance sur le financement participatif, entrée en vigueur le 1er octobre 2014. Cette ordonnance crée un statut d’intermédiaire en financement participatif. Les plateformes de financement participatif spécialisées devront adopter le nouveau statut de conseillers en investissements participatifs (CIP), ou exercer en tant que prestataires de services d’investissement. Ces plateformes seront contrôlées par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Certains pays européens comme l’Italie, Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Espagne ont également créé des cadres juridiques organisant le crowdfunding.

Réguler le crowdfunding de demain : le dilemme

La mise en place d’un cadre juridique adapté est un processus long et difficile mais son développement et le renforcement des règles semblent inéluctables. Pour répondre à ce besoin, le législateur fait souvent le choix d’introduire des intermédiaires dans un secteur où le principe même est de ne pas en avoir.

Quelles sont les prochaines évolutions et dans quel cadre peuvent-elles survenir ? Deux visions se détachent (sans pour autant s’opposer) :

  • Une première, souple, prévoit une stabilisation du secteur pour les années à venir, et recommande d’accorder au système le temps de s’organiser. Il faudrait alors trouver un accord pour harmoniser un cadre législatif européen (malgré le BREXIT). Une harmonisation qui semble difficile tant le domaine est étroitement lié à la fiscalité, aux modes de consommation et à l’approche du monopole bancaire, des sujets complexes et envisagés différemment d’un pays à l’autre.
  • Une seconde, plus restrictive, viserait à renforcer le cadre légal, tout en assurant une application rigoureuse. Cette démarche permettrait d’éviter des dérives semblables à celles observées sur le marché outre-Atlantique (cas « Lending club » notamment). Elle permet également d’intégrer les enseignements des marchés réglementés (concernant la prévention des conflits d’intérêts, de l’asymétrie de l’information, de la transparence du marché, etc…). Mais dans ce cas, pourrait-on encore parler de systèmes nouveaux et alternatifs ?

Le défi auquel doit faire face le législateur est donc de mettre en place, en collaboration avec les acteurs du marché, une réglementation permettant d’assurer le développement de ce nouveau secteur tout en protégeant les intérêts des épargnants et des investisseurs.