Connue comme étant l’un des pays le plus connecté au monde, notamment avec un taux de pénétration d’internet à 80,9% de la population, la Corée du Sud accuse cependant un retard conséquent dans la digitalisation de son secteur bancaire. En effet, la « Financial Services Commission » (FSC) – l’organe de régulation du secteur financier du pays – interdisait jusqu’à peu l’ouverture de banques 100% en ligne. Fin 2015, les premiers signes de la fin de cette interdiction sont apparus. Quelles sont les causes de ce gel du secteur ? Et surtout, celles de sa réouverture ?

Un secteur bancaire protégé et conservateur

Afin de comprendre la situation actuelle du secteur financier sud-coréen, il faut remonter aux années 1990. Ainsi, à la fin du XXème siècle, la Corée du Sud est en plein développement, notamment grâce à un capitalisme industriel privé très lié à l’État, où la recherche de part de marché est plus importante que le profil. Seulement, dans les années 90, ce modèle de développement se fragilise du fait d’une perte de compétitivité (hausse des salaires, appréciations du won vis-à-vis du dollar). De plus les banques, surfant sur la croissance du pays, pratiquent une politique de crédit conciliante, mais risquée.

Lorsqu’éclate la crise asiatique en 1997, la Corée du sud est touchée de plein fouet : la monnaie chute, les capitaux fuient le pays (20 milliards de dollar sur l’année 1997) et de nombreuses entreprises font faillite, dont Kia Motors. Dans sa chute, cette dernière est passée près d’emporter avec elle la First Bank of Korea, qui sortira, comme l’ensemble des acteurs bancaires du pays, très affaiblie de la crise. Le pays parvient à limiter l’hémorragie grâce à l’aide internationale, mais également par des restructurations drastiques dans tous les secteurs, dont la banque où un tiers des employés seront licenciés. Ces années noires et la prudence exigée pour en sortir expliquent le certain conservatisme des banques coréennes, encore observable aujourd’hui.

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Un second élément explique l’interdiction du lancement de banque 100% en ligne : l’État coréen redoute la prise de position de grands conglomérats comme Samsung ou Hyundai dans le secteur financier. Ainsi la FSC a longtemps limité à 10% la prise de position d’acteurs non-financiers dans des banques.

La protection du secteur bancaire et le conservatisme de ses acteurs expliquent notamment la solidité des institutions bancaires coréennes lors de la crise de 2008.

Une ouverture du marché souhaitée redynamisante

La contrepartie de cette solidité réside dans le fait que ce marché s’est relativement peu réinventé ces dernières années, au contraire des évolutions observées sur les marchés européens ou américains. Les acteurs traditionnels sont par ailleurs régulièrement accusés de pratiquer des frais élevés, de ne pas faciliter l’accès aux guichets, notamment avec des horaires d’ouverture restreints, et de pratiquer des taux de crédits prohibitifs.

Surtout, le gouvernement coréen souhaite actuellement trouver de nouveaux relais de croissance. Le moteur industriel de la fin du XXème siècle se cherche un second souffle. Celui-ci peut se trouver dans l’innovation ou l’impulsion donné par d’autres secteurs, le financier en tête.

L’arrivée de nouveaux acteurs est donc pensée comme étant le catalyseur de transformations des parties prenantes traditionnelles, afin de les pousser à créer plus de valeurs pour leurs clients.

L’innovation par l’arrivée de nouveaux acteurs

New digital technology within financial services business. Creative idea finding represented by light bulb.Pour porter ce vent de renouveau, les pré-licences pour la création des banques en ligne ont été attribuées à deux consortiums menés par KT – le plus grand opérateur télécoms du pays – et par Kakao Corp – le propriétaire de la plus grande plate-forme de messagerie coréenne. Ces deux acteurs ont dû s’allier avec des acteurs traditionnels du secteur financier, comme le prévoit la loi du pays.

K Bank, la banque portée par l’opérateur télécom, bénéficie de nombreux partenariats dans les télécommunications bien sûr, mais également dans les systèmes de paiements et de la grande distribution. Elle souhaite s’appuyer sur ces données afin de construit des systèmes de notes de solvabilité plus fiables.

La nouvelle banque la plus attendue par les analystes reste cependant la seconde, qui sera nommée Kakao Bank. En effet, celle-ci compte surfer sur le trafic gigantesque généré par l’application de messagerie : les 38 millions d’utilisateurs coréens la consultent 55 fois par jour en moyenne. Pour l’appuyer dans cette tâche, l’entreprise coréenne s’est entourée de Tencent (le leader chinois des jeux mobiles et sur les réseaux sociaux) ainsi que de eBay (qui détient les deux champions du e-commerce coréen Gmarket et Auction).

L’ambition de ces nouveaux acteurs est de profiter de leur meilleure connaissance des habitudes des clients pour créer des produits plus adaptés, mais également de profiter de leur modèle de distribution directe pour abaisser leurs coûts et offrir des placements plus intéressants.

L’ouverture du marché bancaire coréen fait écho aux tractations en cours sur le marché français. En effet, Orange est entrée en négociations exclusives avec Groupama en janvier 2016 afin de racheter 65% de la filiale Groupama Banque. Son objectif est clair : lancer « Orange Banque » début 2017. Surtout, l’exemple coréen nous montre, à nouveau, que la concurrence peut provenir d’acteurs purement digitaux. À quand l’arrivée des GAFA sur le marché bancaire français ?