Le Maroc ouvrira son marché bancaire à la finance islamique dès 2017. Tour d’horizon des enjeux, du cadre réglementaire et des acteurs qui ont obtenu l’agrément nécessaire à la distribution des produits Sharia compliant.

Favoriser l’inclusion financière et asseoir sa position de hub d’affaires du continent africain

Le taux de bancarisation marocain est le plus élevé de la région MENA (Middle East and North Africa) passant de 34% en 2010 à 62% fin 2014. Aussi, le Maroc est loin devant les pays de l’UEMOA (Union Economique monétaire Ouest africaine) qui présentent un taux de bancarisation d’environ 15%.

Néanmoins, le « hors-bancaire » représente un levier de croissance et de développement majeur pour le Maroc et ses établissements financiers. En effet, si le taux de bancarisation du Maroc continu de progresser pour s’établir à environ 64% en 2016, celui-ci est très éloigné d’un pays comme la France qui présente un taux de bancarisation de 99%.

Ceci peut s’expliquer par trois principales raisons :

  • Une économie informelle qui pèserait jusqu’à 11,5% du PIB marocain.
  • Des zones rurales non couvertes par les établissements financiers où le taux de bancarisation est d’environ 6%.
  • Des entreprises et particuliers qui ne souhaitent pas intégrer le circuit bancaire, les intérêts (« Ribaa ») étant formellement interdits en Islam.

Le gouvernement a pris différentes mesures pour changer cette situation :

1 – Pour amorcer le transfert de l’économie informelle vers l’économie formelle, le statut d’auto-entrepreneur a été lancé en 2015 au Maroc. En effet 83% des entreprises informelles sont des entreprises individuelles comme le révèle l’étude du HCP (Haut Commissariat au Plan du Maroc).

2 – Pour améliorer le taux de bancarisation des zones rurales, la filiale bancaire de Barid Al Maghrib (La Poste marocaine) a été créée en 2010 sous le nom d’Al Barid Bank. Elle a permis un boom de la bancarisation grâce à un réseau de plus de plus de 1800 agences. Aussi, des banques mettent en œuvre des solutions innovantes comme des agences bancaires mobiles, etc.

3 – Pour les entreprises et les particuliers qui sont hors système bancaire pour des raisons religieuses, des nouvelles offres Sharia compliant seront bientôt disponibles, ce qui devrait favoriser l’inclusion financière au Maroc, véritable pré requis pour un développement économique durable.

Par ailleurs, compte-tenu de sa stabilité économique et de son positionnement géographique, le Maroc est  un Hub économique pour l’Afrique et la finance islamique représente une opportunité de s’affirmer en tant que tel. En effet, comme l’indique Mohamed Damak, spécialiste de la finance islamique chez Standard and Poor’s, «le Maroc pourrait ainsi devenir un acteur important pour canaliser les investissements en provenance des pays du Golfe».

Un mode « banque » ou « fenêtre » pour les produits « participatifs »

Bank Al-Maghrib – la banque centrale marocaine – souhaite éviter une dichotomie entre la banque conventionnelle et la « banque islamique » qui risquerait de mettre à mal l’équilibre du système bancaire conventionnel. En effet, l’appellation « banque islamique » laisserait sous-entendre que la banque conventionnelle n’est effectivement pas Sharia compliant. ». Ainsi, les banques qui commercialiseront des produits Sharia compliant porteront l’appellation « Banque Participative ».

C’est la loi n°103-12 (mars 2015) qui pose le cadre pour des futures banques souhaitant proposer des produits « participatifs », introduisant la possibilité d’un mode « Banque » ou d’un mode « Fenêtre ».

Si certains acteurs pourront créer une nouvelle filiale dédiée à la finance participative (mode banque), d’autres pourront faire le choix d’un mode « fenêtre » qui permet de greffer l’activité de finance participative à la banque conventionnelle déjà existante, favorisant ainsi un déploiement plus rapide. Pour ce faire Bank Al-Maghrib pose le cadre  ci-dessous :

  • Encours participatifs limités à 10% des encours de la banque conventionnelle.
  • Taille du réseau dédié à l’activité participative limitée à 4% par rapport au réseau de la banque conventionnelle (puis jusqu’à 10% en 2021).
  • Allocation minimum de 200 MMAD de fonds propres dédiés à fenêtre participative.
  • Cohabitation obligatoire de l’identité visuelle « banque universelle » et « banque participative ».
  • Département dédié dont le responsable est rattaché directement à la Direction Générale.

Enfin côté produit, la parution au bulletin officiel de début mars homologue les caractéristiques techniques des  produits (Mourabaha, Ijara, Moucharaka, Moudaraba et contrat Salam) qui pourront être commercialisés par les acteurs du marché participatif.

Acteurs de la finance participative et perspective

Suite au dépôt fin 2016 des demandes d’agréments, Bank Al-Maghrib a accordé le précieux sésame à 8 acteurs (sur 11 demandes).

5 modes « banques participatives » et de nombreux partenariats avec les pays du golfe :

  • Umnia Bank : CIH Bank avec Qatar International Islamic Bank.
  • Al Baraka Bank Maroc : BMCE Bank of Africa avec le groupe bahreini Al Baraka.
  • Chaabi Bank : Banque Centrale Populaire (BCP) avec le groupe saoudien Guidance.
  • Bank Assafa : Attijariwafa Bank qui va transformer sa filiale Dar Assafaa en banque participative (pas de partenaire étranger connu à date).
  • Crédit Agricole du Maroc avec l’Islamic Corporation for the Development of the Private Sector (ICD).

3 modes « fenêtres », favorisé par les banques à capital français : BMCI («NAJMAH»), Société Générale Maroc (« DAR AL-AMANE »), Crédit du Maroc.

Les études montrent que 98% des marocains sont intéressés par les produits participatifs et que ce marché pourrait représenter jusqu’à 20% du système bancaire marocain.

Seulement pour qu’il y ait une  création de valeur forte pour l’économie marocaine, il faudra aller au-delà d’un transfert « naturel » d’une partie des encours des banques conventionnelles vers les banques participatives.

En effet, l’arrivée de la finance islamique sera un vrai levier de développement économique si elle permet de capter une partie de l’économie informelle favorisant ainsi l’inclusion financière, tout en  drainant une partie des investissements et des moyens de financement des pays du Golfe et même de la Chine.