Fin 2015, la Société Générale a annoncé la fermeture de 20 % de ses agences d’ici à 2020 (soit environ 400 sur 2 221 points de vente). Discrètement initié depuis plusieurs années, les banques poursuivent le mouvement de réduction des agences bancaires. Force est de constater que les agences les plus touchées sont souvent situées en milieu rural. Trois facteurs l’expliquent : elles sont généralement moins rentables qu’en zone urbaine, leur coût de gestion est relativement élevé par rapport au PNB généré, et elles sont dotées d’un faible effectif, donc facilement suppressibles. Sommes-nous en train d’assister à la fin des agences rurales ?

La contraction du réseau d’agences bancaires

Les français ne se rendent plus systématiquement dans leur agence. Selon la Fédération Bancaire Française, seuls 17% d’entre eux y vont plus d’une fois par mois en 2012 (contre 62% en 2007). Concrètement, cette baisse de fréquentation représente chaque année entre 3% et 5% depuis 10 ans. De ce fait, les clients privilégient désormais le contact par téléphone ou par mail et réalisent de plus en plus d’opérations « simples » via le web ou le mobile (on parle d’e-banking et de m-banking). L’explosion du numérique change profondément les usages et les comportements des clients et transforme inéluctablement leur rapport à leur banque. Une étude CSA en atteste : 91% des français consultent leurs comptes en ligne, 82% y réalisent des opérations et 70% utilisent également un service de paiement en ligne sécurisé.

Certes, les clients apprécient cette autonomie que permet le numérique et utilisent de plus en plus le multicanal (retraits sur les distributeurs automatiques, virements sur internet…). Toutefois, ils restent clairement attachés à leur agence : 40% des français se disent prêts à changer de banque si leur agence de proximité venait à fermer. C’est dire l’importance perçue par les clients de l’agence bancaire et de la valeur ajoutée qu’elle peut leur apporter. Les banques sont ainsi confrontées à un dilemme : comment maintenir leur présence territoriale alors même que certaines agences ne sont pas rentables ?

En 2013, 15% des agences bancaires françaises n’étaient plus rentables du fait de la baisse de fréquentation des clients couplée à un réseau bancaire resté très dense (600 agences par million d’habitants). Pour faire face à cela, les banques ne parlent pas toutes d’une même voix. En ce qui concerne les banques commerciales (Société Générale, BNP Paribas), elles ont clairement pris le parti de réduire leur réseau physique, touchant indubitablement les petites agences et celles situées en zone rurale. Quant aux banques régionales qui bénéficient du réseau le plus dense en France, elles adoptent un tout autre positionnement. En l’occurrence, si la fréquentation des clients en zone rurale est d’autant moins élevée et la question de la rentabilité des agences plus pesante, elles ne peuvent pas non plus se permettre d’opter pour la fermeture des agences car fournir un service de proximité et être présent dans le milieu rural fait partie de leur ADN. Elles misent plutôt sur la flexibilité et la mobilité pour préserver leur maillage territorial, comme l’illustrent les exemples ci-dessous.

Face à cette vague, les agences innovent

Certaines agences se transforment afin de mieux satisfaire la demande et les besoins de leurs clients. C’est le cas de La Caisse d’Epargne d’Aquitaine Poitou-Charentes : un quart de ses agences ont été transformées en « vitrines ». Les horaires sont adaptés en fonction des besoins et rendez-vous clients, et les conseillers sont rattachés à des agences plus grandes. Les Banques Populaires sont dans la même lignée avec leur concept « d’agences périodiques » dans les zones rurales, où l’accueil se fait sur rendez-vous. D’autres caisses du groupe de l’Ecureuil procèdent à des regroupements d’agences pour faire face à la baisse de rentabilité. D’autres encore, optent pour l’ouverture des agences spécialisées (en immobilier, en épargne, etc.) en fonction de la typologie des besoins clients pour apporter plus de valeur ajoutée.

Young cheerful businessman watering green growing graph with can

Au Crédit Agricole (comme à Pyrénées Gascogne, Centre France, ou au Languedoc), des camions itinérants sont utilisés comme « agences mobiles » : ils se déplacent chez les clients les plus isolés ne pouvant accéder aux nouvelles technologies. Si le concept de camion itinérant n’est pas nouveau, il est entièrement « relooké » et remis au goût du jour : il s’agit désormais d’une agence digitale, équipée en wifi, répondant au besoin de conseil et de proximité clients, et où l’on peut réaliser toute sorte d’opérations bancaires. Seul le retrait d’espèces y manque, pour des raisons de sécurité, mais il est remplacé par des services « points verts » qui sont des relais bancaires chez les commerçants dans les zones les plus isolées. Au vu du succès qu’elle rencontre auprès des clients, cette pratique pourrait se généraliser et remplacer certaines agences rurales non rentables.

Vers une transformation profonde du rôle de l’agence

Toutes les banques repensent aujourd’hui leur modèle de distribution, déployant des évolutions et innovations pour tester de nouveaux concepts agences. Si leurs stratégies restent différentes, il n’en demeure pas moins que les agences rurales seront les premières à payer le prix de la révolution numérique. Pour l’heure, il s’agit moins d’une disparition du paysage urbain que d’une transformation de l’agence et de son rôle (format, horaire, mobilité). En effet, c’est toute la relation client qu’il faut repenser pour préserver la proximité client et créer de la valeur ajoutée. C’est précisément là un enjeu crucial de différentiation face au développement des pure players de la banque en ligne et à l’émergence des nouvelles plateformes de services financiers entre particuliers (cobanking) qui bousculent les règles de la banque traditionnelle.