Vous avez sûrement déjà entendu parler de Lydia, une application de paiement mobile qui vous permet « d’oublier le cash », vous rembourser entre amis, payer grâce à votre carte Lydia ou bien encore payer via votre smartphone chez Franprix. Créée par Antoine Porte et Cyril Chiche en 2011, l’application fonctionne depuis 2013. Aujourd’hui, l’application compte plus d’un million d’utilisateurs et le cap est à l’international. Retour sur un entretien très intéressant avec Cyril Chiche.

Origine et activités de Lydia ?

« Lydia » est le nom du royaume où a été frappée la première pièce de monnaie au VIIème siècle av JC. En lieu et place du troc, les Lydiens ont cherché un moyen efficace et sécurisé de faire des échanges d’où la création de la monnaie.

La startup permet de revenir à la base du cash : quand on demande ou donne de l’argent à quelqu’un ; les coordonnées bancaires ne sont pas nécessaires; on connaît instantanément son solde. Lydia a permis d’apporter le contrôle, la sécurité, l’instantanéité mais avec les moyens digitaux et mobiles. Lydia est une société qui conçoit des solutions de paiement mobile créée en 2011. C’est le leader français et compte à ce jour un peu plus d’un million d’utilisateurs (nombre total de personnes utilisant au moins un des services proposés par Lydia) dont 627 588 utilisateurs particuliers de l’application (chiffre valable le 3 novembre 2017). 70% des utilisateurs de l’application sont des « millenials » (18-30 ans).

Lydia est à la base un wallet universel qui permet de se rembourser entre amis en évitant toute la complexité des virements. L’application a apporté de la fluidité, de l’instantanéité et de la sécurité. Initialement, l’application était aussi conçue pour payer des professionnels qui acceptaient ce système de paiement ou payer des e-commerçants en ligne.

L’évolution digitale de notre société a développé des attentes de temps réel et de contrôle : comment expliquer qu’il soit encore nécessaire d’attendre quelques jours pour recevoir un virement dans une banque ?

L’évolution digitale et la comparaison avec le Retail Banking

Pourquoi n’existe-t-il pas encore de « solution type Lydia » dans les banques ?

Il faut bien comprendre le contexte des banques aujourd’hui : il y a les ressources, des personnes compétentes et très au fait de l’ère digitale et enfin des moyens financiers importants. Mais il existe des contraintes :

– Des systèmes informatiques anciens qui n’ont pas été conçus pour des opérations en temps réel et qui nécessitent des années de travail pour les transformer,

– La réglementation qui ne cesse d’évoluer pour chaque service proposé. Les banquiers cumulent de nombreux métiers et viennent agréger des systèmes de réglementation. Chez Lydia, nous sommes réglementés de la même manière mais pour un seul produit/service,

– L’organisation et la structure des banques importantes avec le poids des procédures sociales et syndicales.

                     

Quelle est la différence avec un compte courant ?

L’application Lydia est comparable à un méta-compte courant nouvelle génération qui se place au-dessus des autres pour gérer l’argent de ses différents comptes. L’usage se fait comme un compte courant.

Par conséquent, Lydia a-t-il vocation à devenir une banque ?

On ne veut pas de licence bancaire car c’est une configuration potentiellement sclérosante. Nous ne sommes pas dans un monde monolithique (tour verticale) mais dans un monde distribué : l’objectif est de créer un service similaire au service bancaire non pas en fabricant les produits mais en choisissant les partenaires les plus pertinents pour chacun des produits et en se concentrant pour que l’interface et l’expérience client soit « magique » (exemple de la carte Lydia qui est fabriquée par un partenaire spécifique).

Positionnement de l’entreprise

Quelle différenciation faites-vous entre Lydia et les autres acteurs du paiement ?

L’objectif pour chaque acteur est de traiter l’universalité de tous les paiements en une seule application. Il faut donc se faire une place parmi les gros tel que PayPal et se partager le marché qui représente des milliards de transactions avec des challengers comme N26, Revolut ou autre. Certes, il va y avoir du « frottement » entre les acteurs mais pas de réel danger quant tenu de la largeur du marché du Retail Banking européen. Il y a donc la place pour des centaines de start-ups. La finalité reste la même pour chaque acteur : faire évoluer le compte courant en fonction des aspirations actuelles de notre société.

Quel est votre positionnement sur le marché des professionnels ?

La forte croissance des utilisateurs Lydia suscite un intérêt grandissant de la part des commerçants. Franprix et Lydia ont signé un partenariat depuis juin 2017 qui permet aux clients de payer grâce à leur application Lydia à la caisse : le client saisit le montant puis présente à l’agent un QR code pour effectuer la transaction.

La question qui revient souvent au sujet de ce partenariat est la suivante : pourquoi est-il préférable de payer avec son application qu’avec un QR code ? Poser cette question reviendrait à ne pas se rendre compte de l’utilité et la pertinence du paiement mobile dans d’autres pays tels que l’Afrique ou l’Asie. C’est une manière de voir les choses où l’on réalise que le support plastique n’a plus de sens dans notre société : combien de personnes dans une file d’attente jouent avec leurs cartes ? Combien d’entres elles jouent avec leur téléphone ? La carte sert seulement à authentifier en plus de payer. La finalité est le mode de vie voulu aujourd’hui : je me débarrasse de tout ce qui est dans ma main!

                                                   

Pourquoi avoir créée la carte Lydia ?

Même si la carte plastique fait déjà partie du passé, elle reste aujourd’hui obligatoire : elle est transitoire. Nous voulons répondre à la demande de nos clients en rendant l’utilisation de l’application Lydia universelle.

Nous avons donc lancé une carte Mastercard internationale, connectée au compte Lydia via votre smartphone. Cette carte peut donc être utilisée dans un réseau de 36 millions de points d’acceptation et 210 pays. L’instantanéité est son avantage principal : de l’activation/désactivation des réglages (modifications de plafonds, paiements à l’étranger, sans contact etc…) jusqu’aux reçus de paiement sous forme de notifications pour chaque transaction.               

                                                                2 exemplaires de la carte Lydia sont disponibles

Quel est votre business model ?

Nos sources de revenus sont quadruples :

– Commissions que Lydia prélève auprès des marchands qui acceptent l’application Lydia

– Abonnements payés par les utilisateurs de la carte

– Revenus liés à l’utilisation de la carte : commissions interbancaires

– Commissions sur les services périphériques (exemple : cagnotte)

Notre business model est proche de celui d’un banquier très moderne qui fournit un outil de service de compte courant contre une rémunération.

Cadre réglementaire et sécurité

Quel est l’enjeu des directives telles que la DSP2 pour votre startup ?

Pour rappel, la DSP2 votée en 2015 vise à favoriser, réguler et sécuriser la digitalisation du paiement. 

Les enjeux sont énormes et vont évidemment dans le sens des fintechs : la banque a l’obligation de donner à Lydia l’accès aux comptes. Grâce à DME2 (sur la monnaie électronique), notre activité a pu voir le jour. Aujourd’hui DSP2 ouvre la concurrence aux différents acteurs en sécurisant la digitalisation du paiement. En revanche je suis plutôt sceptique sur les délais : on entendra parler de DSP8 avant d’arriver à concrétiser DSP2.

Existe-t-il des cas de fraudes avérés ?

Les cas de fraudes se limitent à des petites arnaques « familiales ». Lydia est conçue et contrôlée en France sur la base des plus hauts standards de sécurité bancaire et informatique comme les clés RSA asymétriques, le chiffrement des données en 256 bit ou encore les communications SSL. De plus, nous sommes très attentifs aux détails.

Clés du succès de Lydia et axes de développement

Quelles sont les clés de succès de votre entreprise ?

Il existe plusieurs éléments sur lesquels nous sommes très attentifs et qui garantissent aujourd’hui le succès de notre entreprise :

– L’expérience utilisateur : une interface efficace et jolie, une utilisation simple et accessible par et pour tout le monde et enfin un SAV très réactif à l’écoute du client. Tout cela contribue à une expérience client que l’on cherche à rendre « magique ». Il n’y a qu’à voir les retours sur les plates-formes de téléchargement de l’application qui restent très positives comparées à d’autres applications.

– L’honnêteté : nous sommes totalement transparents avec le client sur notre stratégie, notre business model et nos tarifications.

– Un business à effet de réseau : le fait d’effectuer des virements avec un tiers rend notre développement plus rapide. C’est bien d’avoir le meilleur produit du monde mais c’est encore mieux d’avoir en plus la meilleure expérience client.

Quelle est la prochaine étape et comment vous imaginez-vous dans 10 ans ?

Aujourd’hui, notre principal enjeu est l’internationalisation. Depuis quelques jours, en plus d’être principalement en France, nous sommes dans 4 autres pays : UK, Irlande, Espagne et Portugal. Serons-nous capable de reproduire ce que nous avons fait depuis le début dans ces pays ? Peut-on le faire ailleurs ? Nous le verrons dans les mois/années à venir et le but – si on y arrive – est de devenir un acteur majeur en Europe.

Je ne lis pas dans le marc de café : il y a 10 ans je ne m’imaginais pas en train de développer une application de paiement électronique donc je ne sais pas où nous serons dans 10 ans.

                                                                Extrait d’une campagne de publicité Lydia 2017