Aujourd’hui synonyme de coûts, l’agence traditionnelle est menacée. Depuis quelques années, une multiplicité de nouveaux formats émergent : agences self-service, express, projet, etc. Quels sont les facteurs de cette diversification ? Comment se structure-elle ?

L’agence bancaire traditionnelle condamnée à évoluer : chute de rentabilité et services inadaptés

Avec une densité d’agences bancaires en France difficilement égalable et des conseillers parmi les mieux formés, l’agence bancaire française a longtemps fait figure d’exception européenne. Toute exceptionnelle qu’elle soit, elle est aujourd’hui tout aussi – voire davantage – menacée que ses voisines européennes.

Les taux de fréquentation sont en chute libre, les revenus des réseaux sont en berne, et les perspectives d’accroissement des portefeuilles clients n’ont rien d’enthousiasmant. Dans ce contexte morose, le souvenir du développement sporadique, en centre-ville ou en zone rurale, d’agences bancaires standardisées, paraît lointain.

Shopping cart on the screen.

La relation avec la banque se digitalise. Les clients réalisent leurs opérations de daily banking sur mobile, se renseignent sur les produits via internet, et surtout…. Se déplacent de moins en moins en agence. En parallèle, les coûts des infrastructures en agence augmentent : l’immobilier est un poids considérable, d’autant plus que les prix du locatif en zone urbaine et péri-urbaine ne cessent d’augmenter.

L’agence standard, clonée ici et là, doit supporter de nombreux autres coûts pour des services parfois en désuétude. Les Guichets Automatiques de Banque, de moins en moins utilisés par les clients, se sont complexifiés ces dernières années. Le personnel, plus qualifié qu’auparavant, est aujourd’hui peu sollicité pendant les heures creuses. La possession de liquidités, dont le retrait en guichet ou en DAB recule fortement, induit des coûts de sécurité non négligeables…

La tentation : une contraction des réseaux

Pendant longtemps, les banques s’observaient résister à la tentation de fermer des agences. Mais, une fois le pas franchi par le Crédit Agricole en 2013, les autres banques n’hésitèrent plus à se lancer : 250 fermetures d’agences entre 2012 et 2015 pour BNP Paribas, 400 d’ici 2020 pour la Société Générale et 240 d’ici fin 2019 pour le LCL. Une récente étude de Citi Group estime qu’en France, une agence sur deux devrait fermer d’ici 2025.

Mais l’agence bancaire doit faire face à un paradoxe de taille : si les français ne veulent plus aller en agence, ils ne veulent surtout pas d’une banque sans agence. En effet, avec pour contrepartie un chiffre d’affaires par client plus faible que chez ses voisins, la France offre en agence une accessibilité aux services bancaires et un niveau de service plus forts et de meilleure qualité que dans la plupart du reste de l’Europe. Les activités de daily banking à faible valeur ajoutée sont certes réalisées sur les canaux numériques, mais l’agence reste le point d’entrée pour les activités à forte valeur ajoutée. L’agence, et surtout le conseiller, restent la norme pour des activités comme la souscription d’emprunt, de produits bancaires ou d’assurance.

L’agence doit donc, avant tout, se ré-inventer pour répondre aux nouveaux usages et ne pas reproduire mécaniquement ses coûts structurels. Dans un premier temps, les banques ont imaginé des agences « centre de contacts » à distance. Puis les agences se sont ré-inventées autour du digital. Mais les français demandent davantage, et ces innovations contribuent mais ne suffisent pas à créer de « l’enchantement client ».

Le renouveau : diversifier les formats d’agence bancaire

L’exercice pour les banques n’est pas de penser « l’agence de demain », mais plutôt « les agences de demain ». En effet, plutôt que d’être « simplement » digitale, ou d’offrir tous les produits et les expertises de la banque, les agences bancaires doivent avant tout être adaptées à leur clientèle, à leur zone de chalandise, et aux besoins de leurs clients. C’est dans ce contexte qu’apparait un renouveau du maillage en réseau d’agences, autour de 5 principaux formats :

Les agences Self-service, Kiosques ou Express :

Celles-ci sont fortement automatisées, voire parfois dépourvues de personnel. Leurs coûts sont faibles, les automates sont nombreux et permettent de réaliser un panel large d’opérations. Orientées services plutôt que ventes, ces agences bénéficient d’horaires d’ouverture élargis et peuvent dans certain cas accueillir les clients 24h/24 et 7J/7. S’inspirant de ce modèle, la BNP a choisi de développer des agences Express  (environ 5% du réseau).

téléchargementLes agences Projets ou Spécialisées :

L’agence est ici un lieu d’expertise. Elle offre des services et des produits sur mesure à une clientèle bien ciblée. La BNP a ainsi ouvert sa Maison des entrepreneurs, ou sa Maison de la viticulture à Châteauneuf du Pape, Banque Populaire son agence GranD’Zé pour les étudiants de grandes écoles, ou l’agence Altlantique Coopération pour les clients les plus fragiles, le Crédit Agricole son agence « l’autre agence » spécialisée dans les projets urgents…

Les agences Souples de proximité :

Celles-ci sont avant tout des lieux flexibles et conviviaux. Les horaires y sont aménagés à la zone de chalandise, les clients peuvent y rencontrer leur conseiller, échanger et souscrire à des services basiques. Les technologies ici présentes sont avant tout pensées pour rendre le lieu plus accueillant, et permettre au client de consulter l’avis d’un expert à distance. À l’étranger, Wells Fargo a ainsi ouvert les agences « the neighborhood format », Bank of Montréal des agences « studio ».

Les agences Vitrines :

Véritable vitrine de la capacité d’innovation de la banque, ces agences sont fortement digitalisées. Les technologies présentes ne se résument pas à des automates modernes. Plus exclusives, elles permettent d’offrir de nouveaux services, d’expérimenter de nouveaux parcours client interactifs et ludiques. BNP a ouvert la voie avec le 2 opéra dès 2010, accompagné par La Banque Postale et son agence de Paris Cherche Midi. Le Crédit Agricole a suivi avec le CA store à Grenoble.

Les agences généralistes ou support :

Ces agences, proches des « grandes » agences que l’on connaît, permettent d’offrir un panel large de services. Équilibrée entre ventes de produits et prestations de services, elles servent de support aux autres formats d’agences (agences Express ou Souples) sur des activités de conseil, d’acquisition client ou de back-office. Les clients peuvent y réaliser toutes les opérations de la banque.

La longue histoire d’amour entre les français et les agences bancaires traverse une période difficile. Mais elle n’est ni terminée, ni prête de s’arrêter. Menacée, déconnectée des attentes et des usages, l’agence traditionnelle se diversifie et se réorganise autour de nouveaux formats pour, de nouveau, attirer et séduire les français.